"Les papetiers français, nordiques, allemands, mettent deux à trois fois plus de temps pour livrer aux imprimeurs", constate pour le journal 20 minutes Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses (Cocapel). Dans un reportage du 20h de France 2, Hubert Pedurand, président de l'imprimerie Floch, explique : "Aujourd'hui, nous passons commande pour du papier, on ne l'aura pas avant janvier 2022".
Petite structure d’une trentaine de collaborateurs au sein du groupe Estimprim, l’imprimerie Isiprint, récemment installée à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), est confrontée comme toute la filière à la crise des matières premières. « Nous avons encore de la disponibilité sur les qualités et grammages standards (papier bouffant, offset, couché…), détaille Stéphane Béra, le président. En revanche les stocks sont au plus bas sur certains papiers plus spécifiques comme les papiers texturés ou autres papiers de création. »
Avec un carnet de commandes en hausse du fait de la forte demande des éditeurs, l’imprimeur travaille à flux tendu. Alors que le livre représente 80 % de son activité, en particulier sur des retirages impliquant une certaine réactivité, la difficulté à s’approvisionner lui a même fait envisager la fermeture momentanée du site. Un chômage technique finalement évité après que son fournisseur Clairefontaine lui a garanti des livraisons jusqu’à la fin de l’année.
Inflation du prix et des délais
Habituellement livré en 15 jours, Isiprint reste néanmoins confronté à l’allongement des délais. « Pour une commande passée début novembre, on nous répond que nous ne serons pas livrés avant février », confirme Stéphane Béra. L’entreprise doit également faire face à la hausse des prix (entre 15 et 35% selon le papier), impossible à anticiper du fait de l’envolée des coûts de l’énergie que subissent les papetiers. La charge énergie est telle que certains papetiers arrêtent purement et simplement leur activité en attendant des jours meilleurs. Dans le même temps, la reprise économique en Chine et aux États-Unis alimente les tensions sur le marché, exacerbant la concurrence entre les principaux consommateurs de papier.
« Concernant les fabrications importantes, les papetiers nous imposent à la fois un délai et un prix, complète Stéphane Béra. Nous achetons le papier à un prix donné, mais sans savoir combien nous devrons payer à la livraison. » Les hausses successives depuis le début de l’année ont conduit à une augmentation globale du prix du papier allant de +20 à +40 %, selon les qualités.
En conséquence l’imprimeur, « en bonne intelligence » avec ses partenaires éditeurs, s’efforce d’anticiper « au maximum » sur les commandes prévisionnelles. Quitte à proposer des solutions de rechange sur la qualité ou le grammage du papier quand l’approvisionnement dans une matière première spécifique devient impossible dans les délais attendus. « Chacun s'adapte en fonction de ses possibilités, conclut Stéphane Béra. Certains éditeurs acceptent de changer de papier, d'autres préfèrent supporter un délai plus important »