Traduit en France au Seuil en 2009 (et repris en Points), La solitude des nombres premiers a imposé le nom de Paolo Giordano. Après un premier roman devenu un best-seller international et adapté au cinéma par Saverio Costanzo, c’est peu de dire que celui-ci était attendu au tournant.
Le Transalpin a choisi de changer de registre. De se pencher à son tour sur un sujet qui a fait les belles heures de la littérature italienne, du Désert des Tartares de Dino Buzzati à S’agapo de Renzo Biasion (La Fosse aux ours, 2008). Le corps humain raconte une mission dans une vallée d’Afghanistan, au milieu du désert et d’un cercle d’engins blindés.
Les héros de Giordano ont fait partie de la compagnie Charlie. Tels le colonel Ballesio, le lieutenant Egitto ou l’adjudant Antonio René qui a ensuite quitté l’armée et travaille comme chef de salle dans un restaurant à Oderzo et dit qu’il faut faire aller, aller de l’avant. Avant de se retrouver en Afghanistan, René était déjà parti au Kosovo et au Liban à deux reprises. Autour de lui, on trouvait le capitaine Masiero ; le caporal-chef Ietri qui, à 20 ans, habitait encore avec sa mère.
Le colonel Ballesio aime la bière, même quand elle est chaude, et soutient que Le Petit Prince est « un truc pour pédés ». C’est lui encore qui déclare : « Nous aimons jouer avec les armes et, de préférence, les utiliser. » Le caporal-chef de première classe Angelo Torsu s’est abonné à « une connexion satellitaire qui lui coûte les yeux de la tête et suscite la jalousie de ses compagnons d’armes ». Et ce afin de communiquer avec une petite amie virtuelle qu’il n’a jamais vue ! Le médecin de la troupe, Alessandro Egitto, prend des antidépresseurs. Quant à Abib, l’interprète, il fournit un haschich de première qualité.
Tous doivent composer avec le sable et la poussière, les frictions qui surviennent entre les uns et les autres, les maladies et la menace extérieure… Plus impressionnant encore que La solitude des nombrespremiers, Le corps humain confirme le talent narratif et le sens de la psychologie d’un jeune auteur en pleine possession de ses moyens.
Al. F.