Elle est unique en France. La partie musée du projet L'Inguimbertine, bâtiment installé au cœur du patrimonial Hôtel-Dieu de Carpentras en Provence, a ouvert ses portes samedi 20 avril. La nouvelle aile prolonge un chantier de réhabilitation débuté en 2004, et qui avait donné lieu, en 2017, à l'inauguration d'une bibliothèque multimédia. Le nouvel établissement de 1800 m² a reçu plus de 17 500 visiteurs ce week-end, venus flâner au milieu des nombreux livres, tableaux, jeux vidéos ou encore manuscrits du Moyen Âge qui y sont exposés.

« Nous avons cherché à croiser les savoirs, donner à lire dans le musée et donner à voir dans la bibliothèque », ont expliqué les architectes de l'Atelier Novembre, qui ont piloté l'aménagement de l’institution. Une stèle antique de Tabac découverte en Égypte, des manuscrits rares à l’instar d’une Bible vaudoise, dont seuls sept exemplaires ont perduré à travers le temps, des tableaux persans…. La richesse des collections « est considérée hors échelle pour une ville d'un peu plus de 30 000 habitants », a commenté le directeur du musée, Jean-Yves Baudouy. Au total, le fonds de L'Inguimbertine compte près de 100 000 livres papier ou numérique en prêt pour le grand public, mais aussi 1 200 tableaux, 500 statues et 3 400 manuscrits, dont des centaines, enluminés à la main.

Un trésor patrimonial

Ce trésor, la ville le doit en partie à son passé d'État pontifical, époque durant laquelle les papes résidèrent, mais surtout à l'un de ses enfants, Malachie d'Inguimbert (1683-1757). Ainé d'une famille nombreuse, celui-ci devient prêtre et part à Rome pendant 26 ans, avant d’entrer au service du futur pape Clément XII. Nommé évêque dans sa ville natale, Malachie d’Inguimbert, humaniste convaincu, est persuadé que le savoir se transmet autant par l'image - dessins, tableaux -, que par l'écrit et ouvre, dès 1745, une bibliothèque-musée.

Il flotte d'ailleurs, dans le musée actuel, un air d’Italie car à l'époque, rappelle M. Baudouy, Carpentras et le Comtat Venaissin, cet État rattaché à Rome, « ont été une terre de transmission de la culture italienne vers la France ». La bibliothèque au style d’époque, offre ainsi une salle à la lumière tamisée aux murs tapissés de livres anciens et de tableaux. Chaque manuscrit dit « précieux » peut être feuilleté virtuellement. Une partie de la collection des dessins d'animaux et des livres de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), astronome et scientifique provençal, est aussi exposée.

Beaux-arts d’antan et médiathèque multimédia

Plus loin, les visiteurs découvrent les beaux livres de Casimir Barjavel, ex-maire de Carpentras au XIXe siècle, auteur également d'une importante donation, tandis que de précieux objets religieux juifs rappellent l’importance de cette communauté, au sein de cette cité connue notamment pour sa synagogue rococo.

Une autre aile est consacrée aux beaux-arts, avec, entre autres, une insolite section comportant des copies d'œuvres célèbres, encouragées à une époque par l'État français pour les faire connaître au public en région. Y est accrochée une copie de la Joconde envoyée « par le gouvernement de la République ». Mais l'originalité du lieu tient aussi à sa médiathèque multimédia au rez-de-chaussée, ouverte en 2017. Outre les livres, albums musicaux et films, elle compte un piano à queue, des peintures et objets précieux.

Ici, « le jeu vidéo côtoie des œuvres d'art, telles qu'un globe de Blaeu de 1622 », conçu à Amsterdam, se réjouit le maire divers gauche Serge Andrieu. Choisi en 2020 face à l'extrême droite, qui convoitait de longue date Carpentras, l’édile mise sur un accès à la culture le plus large possible pour lutter contre les inégalités sociales dans une région où les crises économiques ont imprimé leurs marques.

Aujourd'hui, un public nombreux et divers, fréquente déjà la médiathèque de l'Inguimbertine avec plus de 130 000 visiteurs en 2023. Et plus de 17 500 personnes sont venues découvrir samedi et dimanche la partie musée qui finalise un projet à 36 millions d'euros, entamé il y a 15 ans.