22 AOÛT - PREMIER ROMAN France

Philippe Cohen-Grillet- Photo DR/LE DILETTANTE

Journaliste, Philippe Cohen-Grillet, comme quelques-uns de ses illustres prédécesseurs, Flaubert par exemple, a choisi de partir d'un fait divers authentique : en 2007, à Coulogne, Nord - Pas-de-Calais, les quatre membres d'une même famille sont retrouvés pendus dans la salle à manger de leur pavillon. Suicide collectif, apparemment, mais aux circonstances et aux motivations jamais élucidées. S'appropriant l'histoire, Cohen-Grillet a inventé tout ce qu'on en ignore, pour en faire un livre grinçant, une tragi-comédie sociale sur fond de crise et de chômage, racontée, en vertu d'une belle licence romanesque, par le fils suicidé lui-même, post mortem et avec une bonne dose d'humour à froid. Cela donne un premier roman atypique, "qui s'amuse à réfléchir".

Le narrateur voit petit à petit son univers familier, qui certes n'avait rien de très reluisant mais quand même, se déliter petit à petit. Son père, comptable dans une entreprise, est poussé vers la préretraite. Après avoir un peu cherché quelques occupations, il tue son ennui, son inutilité à domicile. La mère, elle, qui ne travaille pas et passe sa vie à cuisiner, s'angoisse sans raison pour leurs fins de mois, et s'impose des restrictions absurdes. La soeur se voit mise au chômage plus que partiel par l'auto-école où elle était secrétaire.

Le fils, lui, garde au début un moral à toute épreuve. Il est heureux et apprécié dans son boulot de magasinier dans un supermarché, "juste après la rocade ». Et puis il est fou amoureux de Caroline, une "humanitaire" qui, deux fois par semaine, vient récupérer les invendus pour les pauvres dont elle s'occupe. Le garçon l'aide, afin de conquérir son coeur. Mais la crise va passer par là. La direction du magasin décide de vendre, à prix cassés, ses produits défraîchis. Caroline, privée de matière première, s'en va sans prévenir, dans son combi Volkswagen. Et le narrateur se retrouve seul, sans but dans la vie, et sa famille, à qui il ne raconte de toute façon pas grand-chose, serait bien incapable de l'aider. Alors, un midi bien ordinaire, le père décide que c'en est assez, qu'ils vont plier bagages tous les quatre. Se pendre à la grosse poutre, juste au-dessus de la table de la salle à manger, et sans déjeuner ! C'est le garçon qui se voit chargé de faire les noeuds aux cordes qu'il est allé acheter exprès dans une grande surface spécialisée. Tâche dont il s'est, apparemment, parfaitement acquitté...

Au début, on croit qu'il en a réchappé, et on l'espère, parce que le personnage et son style sont attachants. Et puis non. L'univers décrit par Philippe Cohen-Grillet, aux antipodes des Ch'tis, est impitoyable.

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