Sainte putain. Tu parles d'un prodige. Tu parles d'un miracle. Dans un coin perdu des États-Unis, une fille de 19 ans qui fait le tapin dans son camping-car et qui guérit de toutes leurs maladies, de tous leurs maux, ceux à qui elle dispense ses grâces. Elle s'appelle Stella et n'aspire pas plus à la sainteté qu'aux graves problèmes auxquels la confronte la révélation de ses dons. Faut dire que l'Église, depuis le cas discuté de Marie Madeleine, serait plutôt rétive à ce que la sainteté soit incarnée par une fille de joie. Et qu'elle ne voit d'autre façon de faire cesser ce désordre qu'en la faisant disparaître... Voilà Stella en fuite, lancée sur les routes d'Amérique, avec deux tueurs comme échappés d'un film des frères Coen à ses trousses, et pour seuls protecteurs un prêtre, ancien des Navy SEALs (plus enfouraillé que toute une armurerie...) et un journaliste latino qui se laisse persuader que cette sombre histoire pourrait lui valoir un Pulitzer. Sexe, crime, divagation et grâce sur la route de Vegas...
Joseph Incardona, le marionnettiste qui tire les ficelles de cette comédie noire, s'en donne ici à cœur joie. C'est une symphonie pour les vies de travers, les rêves échoués aux portes du matin. Ce Stella et l'Amérique appartient à la veine grimaçante de l'auteur, celle de Chaleur ou des Corps solides (Finitude, 2017 et 2022). Bien sûr, il y paye sa dette envers le pulp et plus encore envers Harry Crews, l'insurpassable romancier des rednecks, des laissés-pour-compte et des pauvres combinards d'une Amérique ingrate. Car c'est bien elle, l'Amérique, la vraie héroïne de cette fable pour enfants dissipés. C'est elle la putain, cette Amérique comme une femme éternellement perdue, éternellement regrettée. « Car aujourd'hui, c'est un vent soufflant de terre, et les yeux sont rouges. De mauvais alcool et de mauvais sang, la mémoire est fatiguée, c'est jour de paie et c'est un peu celui de l'oubli : un samedi après-midi dans la grande Amérique qui se meurt. Et puisqu'elle meurt, c'est nous aussi qui mourons un peu avec elle. Parce qu'elle portait pour nous ses promesses d'un ailleurs, d'un renouveau, et il ne faut pas trop lui en vouloir de nous avoir trahis, elle et son drapeau qui se mouche dans les étoiles. » Stella, les étoiles, fermez le ban.
Stella et l'Amérique
Finitude
Tirage: 7 500 ex.
Prix: 21 € ; 224 p.
ISBN: 9782363392015