Aron est un garçon qui ne manque pas d’humour. "Le prénom parfait pour moi c’était "Mais qu’est-ce que t’as dans le crâne"". Un cancre casse-cou qui voit son quotidien bousculé par l’arrivée de son petit frère. "Je voulais qu’on le jette dans le poulailler." Il ignore que des bouleversements nettement plus importants se profilent.
En 1936, il déménage à Varsovie, où son père trouve du travail. Mais "l’invasion des Boches" complique la situation. Le garçonnet n’est pas dupe : "Notre sort était plié, une grosse tuile allait nous tomber dessus." A savoir l’enfermement des Juifs dans un ghetto. La violence sournoise, la faim, le typhus et la mort deviennent leur lot quotidien, sans oublier les poux qui rendent fou. Mais la puissance de l’enfance reprend le dessus, même dans ce lieu dantesque. Aron et sa bande de copains multiplient les combines pour survivre. Bientôt il est recueilli par Janusz Korczak, un héros à la Françoise Dolto. Ce pédiatre polonais a posé les jalons des droits de l’enfant et de l’éducation. "Le Vieux Docteur s’intéressait toujours aux autres." Le roman lui redonne vie dans l’orphelinat du ghetto.
D’après John Irving, le livre "se range dans la lignée des chefs-d’œuvre sur l’Holocauste". Disons surtout qu’il procure de belles émotions, grâce à son ton et à la personnalité attachante du héros. Ce garnement, pétri de gravité, continue à entrevoir le monde à hauteur d’enfant. On est un peu dans Les quatre cents coups de Truffaut, si ce n’est que le lecteur connaît l’issue terrible. L’auteur américain Jim Shepard cite Marguerite Yourcenar pour expliquer sa démarche romanesque : "Etayer un ouvrage d’ordre littéraire et une reconstitution à la première personne, par des sources débouchant sur la fidélité aux faits."
K. E.