Depuis plus de vingt ans, le discret auteur norvégien Jason tisse une œuvre unique, reconnaissable à son humour ironique, son style minimaliste et ses personnages signature, des animaux anthropomorphes au regard vide. Si, dans ses ouvrages, il fait très souvent référence à la culture, pop ou classique, celle-ci devient, dans ce recueil d'histoires courtes, son matériau de base. Georges Perec ou Spock de Star Trek ne sont pas de simples clins d'œil, ils deviennent ses héros. Mais Jason ne se contente pas de s'approprier ces figures culturelles. Il joue malicieusement avec ce qu'elles représentent. Il déconstruit les œuvres, utilise leurs ingrédients pour imaginer d'autres histoires, les fait se télescoper ou fusionner, en conserve parfois uniquement l'esprit pour mieux le pervertir.
Parmi les récits les plus savoureux d'Au-dessus l'odyssée, « Perec détective privé » met en scène Georges Perec, devenu privé hard boiled. Il enquête sur la mystérieuse disparition - évidemment - d'une jeune femme. Ajoutant une couche oulipienne, Jason ne termine jamais les phrases de ses protagonistes. Dans « Sceau VII », il donne une version iconoclaste du film d'Ingmar Bergman Le septième sceau, dans laquelle le chevalier ne sait pas jouer aux échecs, triche et finit par embrouiller la Mort. Dans « Le prisonnier dans le château », Kafka se retrouve inopinément dans le monde du Prisonnier. À la recherche du fameux Numéro 2, il est pris dans une succession de non-évènements absurdes. Jason justifie à la perfection l'adjectif « kafkaïen », fréquemment attribué à la série britannique.
En plus de réjouir avec des croisements hautement improbables (Spock et Foujita, James Joyce et Tarantino...) et des hommages fantaisistes (aux BD de genre des années 1950 par exemple), Jason jette un regard pince-sans-rire sur la vie moderne. Ainsi, dans « Femme, homme, oiseau », un dialogue de sourd brocarde la vacuité et la vanité des premiers rendez-vous amoureux. Dans « Crime et châtiment », il revisite Dostoïevski façon reportage télévisé à grand spectacle, avec une succession de témoignages et de flash-back. Dans « Ionesco », il imagine un portrait filmé bancal du dramaturge, basé sur les souvenirs farfelus et imprécis de personnes plus ou moins proches de lui.Poétique, cultivé, Au-dessus l'odyssée est une merveille d'humour décalé et surréaliste. Et y relever toutes les références s'avérera de surcroît un jeu sans fin et passionnant.
Au-dessus l’odyssée Traduit du norvégien par Christophe Gouveia Roberto
Atrabile
Tirage: 1 600 ex.
Prix: 24 € ; 256 p.
ISBN: 9782889231102