22 août > BD Belgique

Dans un entre-deux graphique entre l’école belge de Marcinelle et la BD underground, Johan De Moor et Gilles Dal signent un album extrêmement coloré… et extrêmement sombre. Fil conducteur : le monologue dépressif d’un cadre "normal", peut-être trop normal. En apparence, tout va bien. "Je suis marié", "je dirige le service relations publiques d’un grand groupe de presse", "on a deux filles", indique cet homme d’âge moyen. Mais au fond, poursuit-il, "je suis seul", "je pense à la mort", "je me demande comment c’est le néant".

Suicidera ? Suicidera pas ? Les deux auteurs déroulent la pelote d’angoisses et d’interrogations existentielles que leur personnage, qui "pense à la mort avec [son] cerveau de vivant", et dont les proches - épouse, enfants - ne sont jamais vraiment représentés mais seulement suggérés, a peu à peu accumulées. Mais ils visent moins à bâtir un suspense macabre qu’à dresser par un jeu de miroir un inventaire entremêlé de l’état du monde et de l’état de notre monde intérieur.

Convoquant toutes sortes de souvenirs et d’images mentales, s’autorisant quelques clins d’œil à Jérôme Bosch, à l’univers des Playmobil ou au désopilant film muet Safety last, ils enchaînent les situations les plus ordinaires. Mais, de la réunion de bureau, et du lave-vaisselle à vider, aux bouchons et aux vacances en Asie, en passant par un apéro entre amis édifiant par sa cruelle banalité, ils parviennent à en exprimer avec un humour très noir le caractère horrifique.

Fabrice Piault

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