Stephen - parfois appelé Steve - McQueen est un comédien dont la carrière peine à décoller et on lui propose plutôt des emplois de silhouettes ou de macchabées. Un grand théâtre londonien l’engage comme doublure d’une star montante, élue « 12e homme le plus sexy du monde ». La coqueluche du cinéma britannique incarne Byron sur les planches du West End. Le rideau doit se lever, et toujours pas de Josh Harper. Stephen est dans les starting-blocks, prêt à assumer le premier rôle. Pas de bol ! Voilà le joli cœur de ses dames se confondant en excuses pour son retard… Il arrache des mains le costume de poète romantique au remplaçant dépité. Mais à la fin de la pièce, comme pour se faire dédouaner de ne pas lui avoir laissé sa chance, Josh demande à Stephen s’il est « dispo » samedi pour sa fête d’anniversaire. Et de préciser : « Viens en costard-cravate. » Ça y est ! Stephen se voit déjà frayer avec le gratin du showbiz, des milliards d’opportunités s’ouvrir à lui !

L’hôte l’accueille en prenant sa bouteille, aussi perplexe que si on lui avait tendu une prothèse. Après l’avoir présenté à un groupe de types en costume, Josh s’enquiert sur son talent pour ouvrir les huîtres… Stephen se remémore l’invitation dans les coulisses. « La vérité est que [Josh] n’a pas osé prononcer le mot “serveur?. La main que Stephen croyait tendue vers lui en signe d’amitié ne faisait en réalité que lui donner un cendrier à vider. » Le comédien raté pourrait donner un coup de boule à la star mais il se ravise, « songe à l’argent qu’il a dépensé pour la bouteille de champagne, au chômage qui approche, au cadeau de Noël de sa fille ». Ainsi démarre la comédie douce-amère de David Nicholls. Classique recette du quiproquo - dont l’effet est garanti -, avec rebondissements à l’envi : Stephen tombe fou amoureux de Nora, la femme de Josh…

En matière de lose, David Nicholls, né en 1966 dans le Hampshire, s’y connaît. Il a pas mal galéré et a aligné les petits boulots : un temps libraire dans le quartier de Notting Hill, également lecteur de scénarios pour des boîtes de production, quasi dix ans à loger dans des chambres de bonne… Ce n’est qu’avec Un jour, son troisième roman traduit en 2011, que viendront les lauriers. L’adaptation de ce best-seller en film, et dont il signe le scénario, amplifiera son succès. Pourquoi pas ?, le premier roman de David Nicholls, ressort en poche (10/18). S. J. R.