A force de rester toujours chez lui dans sa maison à l’orée des bois, Chaton pâle finit par bien porter son nom… Certes, il aime ça, astiquer, briquer, mais quand même, certains jours, qu’il appelle "jours moisis", il sent comme un vague à l’âme. Sa maison proprette lui semble soudain étriquée et renfermée. Alors une nuée d’Insupportables Petits Messieurs apparaissent, s’empressant de tout critiquer : "On est mardi, c’est nul", "Les oranges, c’est nul". Si encore ils ne trouvaient à redire que sur les objets, ça irait, mais ils dissuadent aussi pauvre Chaton pâle d’avoir la moindre initiative qui sorte de la routine. Veut-il écrire une encyclopédie sur les guépards célèbres ? Ils lui soufflent aussitôt : "Mais non, t’y connais rien, aux guépards." Veut-il sortir, histoire de faire un tour ? Aussitôt : "Les autres vont se moquer de toi avec ta goutte au nez." Paralysé par ces horripilantes voix intérieures, Chaton pâle renonce peu à peu à tous ses désirs. Une nuit, la corneille Myrtille, véhiculant une drôle de grand-mère dite Grand-Mère-Chat-du-Pissenlit, vient heurter sa vitre de plein fouet. Illico, les Petits Messieurs pronostiquent le pire. La malicieuse aïeule est peut-être tombée de sa corneille, mais sûrement pas de la dernière pluie.
Chaton pâle pour une fois ouvrira sa porte à une inconnue. Un acte salutaire qui va lui changer la vie et le teint. On adore cette histoire qui fait la peau aux peurs et aux inhibitions. Le dessin gai et coloré de Gaëlle Duhazé est rigolo et touffu, peuplé de petits esprits et de détails amusants, comme l’ombre du ficus et de l’aspirateur dans la maison. Un petit joyau ! Fabienne Jacob