Il a fallu à l’HADOPI organiser une conférence de presse le 28 juin dernier, à la veille des départs en congés, pour justifier son interminable retard à l’allumage, tout en assurant qu’elle ne tarderait plus à être « opérationnelle ». Trois jours auparavant, le 25 juin, venait en effet d’être soudainement publié un décret instituant un article « R.335-5 » dans le Code de la Propriété intellectuelle. Ce nouveau texte dispose en particulier que « constitue une négligence caractérisée, punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime, pour la personne titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne : - soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès. - soit d'avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen. »? En clair, pour que la coupure de l’abonnement Internet des particuliers, châtiment suprême brandi par les tenants de la HADOPI, puisse être appliquée, il faut qu’une contravention soit constatée. Et pour constater une contravention, il faut d’abord définir celle-ci. L’article « R. 335-5 » institue donc le « délit » de « négligence caractérisée ». Que voilà une incrimination « complexe et subtile », comme le reconnaissent eux-mêmes les cadres de la HADOPI (façon d’avouer qu’ils auraient préféré une rédaction plus explicite) ! Quoi qu’il en soit, ce décret apporte enfin un peu de carburant à cette pauvre HADOPI, prétendu vaisseau du troisième millénaire, piteusement encalminé sur sa rampe de lancement depuis plus d’un an. Rappelons brièvement les épisodes de ce peu glorieux feuilleton : la première loi HADOPI, votée en mars 2009 et retoquée deux mois plus tard par le Conseil constitutionnel ; la deuxième loi, votée dans l’été, validée par le même Conseil à l’automne et promulguée fin décembre. Installée à grands frais dans 1100 m2 de locaux parisiens (on passera charitablement sur les tribulations relatives à son logo déjà narrées dans ce même blog), l’HADOPI aurait dû logiquement commencer à sévir dès le premier trimestre 2010. Las ! C’était compter sans les décrets additionnels, indispensables à sa mise en route effective. Or, le texte du 25 juin 2010, même s’il donne en apparence tous les gages d’une prochaine mise à feu, ne suffit pas, à lui seul, à mettre le compte à rebours à zéro. Devant la presse, la présidente de la HADOPI, prudente ou échaudée, a d’ailleurs préféré ne pas donner de date précise. C’est que deux décrets d’application se font encore attendre ! L'un porte sur la labellisation des solutions de sécurisation qui doivent être recommandées aux citoyens (pour qu’ils ne puissent pas être accusés de « négligence caractérisée »…), et l'autre définit la procédure de transfert des dossiers les plus graves à la justice. En outre, les difficultés d’ordre technique sont loin d’être toutes résolues. Comment, par exemple, flasher les adresses IP qui seront transmises à l’HADOPI par les opérateurs de l’internet sollicités ? Les spécialistes ont révélé que ce travail sera fait manuellement dans un premier temps. La Fédération Française des télécoms a en effet admis sur Silicon.fr : « La modification de tous les systèmes d’information des opérateurs prendra au moins un an », avant que la manutention ne soit remplacée par un système automatique. Et le même organisme d’ajouter : « Les personnes chargées de l’identification des adresses IP n’ont même pas encore été recrutées ». Encore au moins un an ? La petite HADOPI commencera-t-elle alors à terroriser pour de bon les méchants internautes ? Réponse dans un prochain billet estival — estampillé 2011.