2 novembre > Essais Belgique > David Van Reybrouck

Zinc, c’est, à travers le destin tragi-comique d’Emil Rixen (1903-1971), l’histoire méconnue d’une de ces aberrations dont l’Histoire a le secret, et dont les conséquences, kafkaïennes, peuvent être dramatiques et meurtrières.

En 1816, le traité d’Aix-la-Chapelle, liquidant définitivement l’Empire napoléonien, oublie, dans sa répartition territoriale, un minuscule Etat, coincé entre la Prusse, les Pays-Bas et la Belgique, le Moresnet neutre, à ne pas confondre avec le Moresnet prussien, de l’autre côté. Une principauté absurde, trilingue, de lois françaises, dont la langue officielle sera même un temps l’espéranto, et qui restera neutre jusqu’en 1914. Trois kilomètres carrés, quelques centaines d’habitants frontaliers, vivant de la contrebande et de la mine de zinc de La Calamine, l’une des plus riches du monde.

Emil, fils d’une Prussienne qui a fui son pays, un temps mineur puis boulanger, va subir toutes les vicissitudes de Moresnet, et changer cinq fois de nationalité au cours de sa vie. Après l’invasion allemande de 1914, les Moresnois, dont les sympathies se partageaient entre les deux camps, ont été mobilisés d’un côté ou de l’autre : 68 morts, plus 9 disparus. Puis, en 1918, le territoire revint à la Belgique victorieuse. Jusqu’à la prochaine. En 1940, les Allemands annexent Moresnet, enrôlent les habitants, dont Emil, en dépit de ses 43 ans, qui va combattre du mauvais côté, s’échapper, être arrêté, envoyé en France et emprisonné à Cherbourg. Il finira par rentrer chez lui, mais malade, usé par toutes ses épreuves, passera ses dernières années derrière sa fenêtre, à fumer sa pipe en regardant un monde qui ne l’intéressait plus, entouré de ses onze enfants. Deux seront prêtres, un évêque au Brésil… Van Reybrouck a recueilli le témoignage de certains, qui ont nourri son livre, et sa réflexion.

Une telle absurdité, mise en regard avec la barbarie qui a frappé la France et la Belgique, ne peut que faire pencher des hommes comme Van Reybrouck, écrivain et archéologue belge néerlandophone, et son ami Thomas d’Ansembourg, thérapeute et enseignant belge francophone, amis de longue date, vers la paix. Leur conviction est que la paix extérieure ne peut passer que par la paix intérieure, une "hygiène mentale" qui s’apprend et s’acquiert par des techniques comme la méditation ou la CommunicationNonViolente. Le lecteur intéressé entrera dans les détails. Mais tous, on aimerait que Van Reybrouck ait raison.

Jean-Claude Perrier

 

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