Les jeux oulipiques. Certains sifflent en travaillant, Georges Perec, lui, s'amusait en écrivant, ou écrivait en s'amusant. « J'aime Paris » et « J'aime jouer » étaient ses devises, répétées comme un mantra. En bon oulipien, mouvement littéraire auquel il avait adhéré en 1967, il aimait à jongler avec des chiffres, des combinaisons mathématiques, des contraintes librement acceptées, voire recherchées, mais surtout avec le langage. Ce qui explique que ses Jeux fassent partie intégrante de son œuvre littéraire. Ils furent à l'origine publiés à titre posthume en 1997-1998 chez Zulma, en trois volumes épuisés depuis des lustres, Perec ayant rejoint les prairies du Grand Manitou le 3 mars 1982. Jeux se compose de Perec/rinations, Jeux intéressants, et Nouveaux jeux intéressants, le tout conçu avec la complicité de Jacques Bens (écrivain oulipien également, disparu en 2001).

Le premier est le « guide original d'un piéton de Paris » (la formule est de notre confrère Bernard Fauconnier), en vingt et un chapitres. Un pour chaque arrondissement, plus un consacré au métropolitain. Chacun comprend une grille de mots croisés thématisée (aux définitions plaisantes, exemple : « Ce n'est pas une rue où ça chauffe » pour Glacière, dans le XIII^e arrondissement) et quelques jeux destinés à faire mieux connaître les rues et le patrimoine de l'arrondissement en question. Le tout à pied. Le rêve de Perec aurait été « un itinéraire idéal, [...] partant d'une rue commençant par la lettre A, [qui] aboutirait à une rue commençant par la lettre Z, en passant successivement par toutes les lettres de l'alphabet ». Impossible en son temps, parce qu'il n'y avait pas de rue commençant par Z (est-ce le cas aujourd'hui ?), et trop acrobatique. À noter qu'il existe en revanche, depuis 1994, une rue Georges-Perec, dans le XX^e arrondissement, là où il avait vécu dans son enfance avec sa mère, fleuriste.

Les Jeux intéressants ont été inventés par Perec et Bens pour le mensuel Ça m'intéresse (d'où leur nom), où ils sont parus de mars 1981 à juillet 1982 : proverbes cachés, devinettes, jeux de mots, grilles, astuces mathématiques, rébus, le tout à l'attention d'un public plutôt young adult. Au même moment, les deux compères (surtout Bens, Perec étant déjà gravement malade) ont été sollicités par Jeune Afrique et Jeune Afrique Économie, pour les mêmes exercices, de Nouveaux jeux intéressants, mais avec le continent africain comme thème principal, évidemment. Tout cela est d'une folle virtuosité, et pas toujours simple à résoudre. Mais qu'on se rassure, les solutions sont fournies.

À l'époque de la première publication, c'était Bernard Magné, spécialiste de Perec, qui en avait assuré l'édition, recueillant le témoignage de Jacques Bens. Magné, disparu en 2012, estimait que les Jeux constituaient « une manière un peu oblique mais somme toute assez efficace d'apprendre à lire son œuvre ». En lisant, en jouant...