Le 3 juin, il recevra Bernard-Henri Lévy, Corine Pelluchon, Marylin Maeso et Boris Cyrulnik pour aider à penser le monde d'après. Au lendemain du confinement, François Busnel revient pour Livres Hebdo sur l'avenir de "La Grande Librairie", le lancement en avril dernier de sa "Petite Librairie" mais aussi sur la nécessité d'aider les libraires.
Livres Hebdo : Que retirez-vous de cette expérience de confinement avec une Grande Librairie que vous avez du faire à distance?
La créativité. Pour tout dire, tout a commencé par la stupéfaction, l’hébétude, face à la soudaineté du confinement et la violence de l’épidémie. Adrien Soland, mon réalisateur et le coproducteur de l’émission, a été très sévèrement touché. Il s’en est sorti. Après deux semaines de stupeur, j’ai décidé de tenter une "Grande Librairie" depuis mon bureau, par skype, avec les écrivains. Dans leur intérieur. Chez eux. Et le public a suivi. Beaucoup ont trouvé que cela apportait une dimension plus intime, plus chaleureuse, à l’émission. Je retiens de cette expérience que c’est lorsque nous sommes contraints que nous créons le mieux. D’une manière générale, ce confinement subi a été l’occasion d’imaginer des choses nouvelles, des façons inédites et décalées de parler des livres.
Comment est venue l'idée de "La P'tite Librairie" et souhaitez-vous prolonger ce format court au-delà de juin? Est-ce qu'elle ne répond pas finalement à la demande des éditeurs, il y a quelques mois, de mettre davantage le livre sur le petit écran?
Oui, vous avez raison, c’est, me semble-t-il, une réponse parfaite à la demande des éditeurs de mettre davantage le livre sur le petit écran. L’idée vient de Delphine Ernotte-Cunci et de Takis Candilis. Ces dernières années, la présidente de France Télévisions m’a souvent demandé ce que l’on pouvait faire de plus en faveur de la lecture et du livre et, dès les premiers jours du confinement, elle m’a demandé d’imaginer un programme court d’1 minute 30 qui serait (fait unique dans l’histoire de France Télévisions) diffusé sur toutes les chaînes, France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô et sur le site france.tv, chaque jour, à des heures de grande écoute. Puisque j’étais confiné chez moi et que l’accès aux studios ainsi qu’aux salles de montage m’était interdit, j’ai suggéré de me filmer devant mes bibliothèques et de proposer aux téléspectateurs ce qu’il y avait sur mes étagères : les livres que j’aime ! Des classiques, mais aussi des poches, des BD, des nouveautés, en toute subjectivité. Ensuite, j’envoie la séquence (c’est un plan séquence) à un graphiste qui travaille chez lui et "habille" l’ensemble. Et voilà. Nous discutons actuellement d’une prolongation de ce format toute l’année. J’espère que cela pourra se faire.
Est-ce que le confinement et la difficile reprise vont amener des changements à "La Grande librairie" avant la fin de la saison ? Voire après ?
Les changements sont principalement dus aux nécessités d’observer les gestes barrières et la distanciation minimale : pas plus de quatre invités en plateau, des équipes réduites pour produire l’émission. Après, nous verrons. L’émission est reconduite pour l’année prochaine. Chaque saison, j’apporte quelques changements, minimes. La télévision est un média d’habitude, il n’est ni bon ni souhaitable d’opérer de grandes révolutions. Il vaut mieux privilégier les micro-changements, comme je le fait chaque année depuis 12 ans, en proposant une séquence nouvelle, des tournages à l’étranger, un piano et un pianiste (le talentueux Richard Lornac) et d’autres choses encore… La seule chose qui ne bougera jamais, c’est la rubrique "Le choix du libraire" : chaque semaine depuis septembre 2008, je donne la parole à un libraire de France qui nous fait partager sa passion et les livres qui l’ont construit. C’est la pierre angulaire de l’émission.
Le livre a été jugé comme un produit "non essentiel". Editeurs, libraires sont en périls après deux mois d'arrêt. Comment peut-on aider et comment voulez-vous aider le livre et la lecture?
Il faut, par tous les moyens, aider les libraires. Dire que le livre est un produit "non essentiel" est un non-sens, une aberration. Autant dire que l’oxygène est "non essentiel", tant qu’on y est… Non, soyons sérieux : lire est le meilleur moyen d’inventer l’avenir et croyez-moi nous aurons terriblement besoin d’inventivité et de créativité dans les jours et les années qui viennent. A mon niveau, j’essaie d’aider en demandant, face caméra, chaque semaine, aux téléspectateurs d’aller en librairie et d’offrir un livre. J’essaie d’aider en donnant envie de lire à travers les émissions que j’orchestre, que ce soit "La Grande Librairie" ou "La P’tite Librairie". Livres Hebdo a publié des sondages qui montrent que "La Grande Librairie" est une émission prescriptrice et c’est ce qui me motive lorsque je compose un plateau : inspirer le téléspectateur mais aussi lui donner envie, séance tenante, d’aller découvrir le livre de l’écrivain qu’il vient d’entendre.
Enfin, vous avez souvent recommandé La Peste comme lecture indispensable. Quels livres avez vous lu, relu, ou tout simplement envie de faire lire dans cette période si particulière?
Lire ou relire La Peste ainsi que les grands romans "apocalyptiques" parlant de pandémies me semble une bonne façon de se préparer. Je conseille Le Fléau de Stephen King (que j'ai relu : c’est génial), La Route de Cormac McCarthy (indépassable), Station Eleven de Emily St John Mandel mais aussi Après le monde d’Antoinette Rychner (sorti en février chez Buchet-Chastel) qui évoque les nouvelles solidarités dans un monde dévasté par tout ce que nous sommes en train de vivre actuellement… Et pour se changer les idées, dans un tout autre genre, j’ai été bluffé par le Petit traité de philosophie naturelle, superbe ode à la nature de Kathleen Dean Moore (Gallmeister) ou encore Manières d’être vivant du philosophe, poète et pisteur de loup Baptiste Morizot (Actes Sud) : de vrais bols d’oxygène !