Quels types d'oeuvres crée-t-on sur Internet ? Quelles possibilités ouvre cet espace numérique ? Comment les auteurs s'en emparent-ils ? Ces questions ont été au coeur de la table ronde « Internet : nouvel outil, nouvelle création ? » qui a fait la part belle aux exemples concrets le 24 octobre au forum de la Société des gens de lettres sur « L'auteur et la création sur Internet ».
Eli Commins, créateur de la plateforme d'écriture Textopoly qui été mise en ligne dans la nuit précédant la table ronde, souligne : «
On est en train de changer de régime imaginaire par rapport aux formes du texte. » Textopoly permet d'écrire dans «
un espace infini à deux dimensions » et sollicitera des auteurs pour des commandes. Les lecteurs, eux, pourront proposer des chemins de lecture dans les écrits. «
Pour moi c'est un site d'écriture, un espace d'écriture : la spatialisation des textes est un aspect essentiel de ce qui est en train de se passer en ce moment », estime-t-il.
Le parcours de lecture créé par le lecteur est aussi une des caractéristiques de
Ah., oeuvre numérique conçue par Emma Reel et publié en début d'année au Seuil. L'auteure décrit les coulisses de la conception de son projet artistique : «
Quand on fait une création numérique on doit se poser beaucoup de question : qui va lire le texte ? Où va-t-on le diffuser ? aura-t-on le contrôle sur le texte ? Comment garder un modèle ouvert ? Est-on propriétaire de son code source ? C'est un habillage, un accompagnement assez lourd et qui prend du temps. »
"Il faut penser l'oeuvre en plusieurs formats" Revue littéraire à l'origine, D-Fiction offre des espaces et une audience à des auteurs contemporains, et invite les écrivains à explorer les questions que posent l'écriture sur la Toile : «
Comment se débrouille-t-on aujourd'hui alors qu'il n'y a plus de socle conceptuel autour de l'écriture ? », interroge Jean-Noël Orengo, créateur de cette plateforme d'auteurs. D-Fiction va prendre le virage de l'édition pour proposer un programme d'une douzaine de titres par an à partir de 2013. «
Nous avons la volonté d'articuler le numérique avec le papier : il faut penser l'oeuvre en plusieurs formats : réseau, livre, format spatial, produits dérivés... Comme cela existe déjà dans le monde de l'art autour des expositions », souligne encore Jean-Noël Orengo.
Ce sont aussi les auteurs que l'on retrouve à l'origine de la création de « La revue dessinée », qui doit voir le jour sur le web au printemps prochain. Elle réunira des auteurs de bande dessinée, des journalistes, des écrivains, des universitaires, des scientifiques... autour de projets de BD de reportage et d'investigation sous forme de livres enrichis, avec des bonus. Les éditeurs ont répondu présents pour financer une partie du projet, «
mais les auteurs gardent la main » a précisé Kris, un des initiateurs.
Interaction avec les lecteurs, écriture en temps réel, écriture collective, partage, retour sur l'oeuvre, liens avec des sons, des images ou des vidéos, parcours de lecture, jeu sur la fiction et le réel... Les auteurs explorent et créent. Mais pour cela, ils doivent s'appuyer sur les compétences techniques des développeurs, dont tous soulignent le rôle capital dans leurs projets. Apparaît alors la nécessité pour les auteurs d'apprendre à parler ce langage, du moins d'apprendre à échanger avec ceux qui maîtrisent le codage informatique. Et qui, parfois, sont eux aussi des artistes comme le souligne Eli Commins.
Lire aussi :Forum SGDL - 1 : L'identité de l'auteur remise en cause sur Internet ?Forum SGDL - 2 : « Sur le web, une oeuvre s'enrichit et se réinvente »Forum SGDL - 3 : Et la création dans tout ça ? Forum SDGL - 4 : L'incertain partage de la valeur entre auteur et éditeurForum SDGL - 5 : Aurélie Filippetti veut une solution rapide au contrat d'édition numériqueForum SDGL - 6 : Internet fait bouger le droit d'auteur