Avant-critique Roman graphique

L'aventure, c'est la verdure. Michel Médor, le chien, est un graphiste au chômage. La Professeure Zonzon, l'oiselle, est une botaniste étourdie. Aucune raison que ces deux-là se rencontrent. Sauf que le premier a besoin d'argent et que la seconde cherche un assistant. Donc, comme dans toute bonne bande dessinée d'aventures, ces deux compères mal assortis se retrouvent associés pour explorer une forêt mystérieuse, recelant des espèces végétales inconnues... Mais comme dans tout bon feuilleton de série B, les villageois les avaient prévenus du danger !

Avec ses personnages animaliers au design arrondi et expressif, on pourrait penser, en feuilletant trop rapidement, avoir entre les mains un récit jeunesse. Qu'on ne se méprenne pas : si La dérive est bien un album assez grand public, il n'est pas à destination des enfants, mais plutôt des amateurs de bandes dessinées indépendantes à l'humour référencé et décalé, et aux aspirations nettes pour une grande liberté graphique et narrative. En effet, autour d'une trame scénaristique fort classique, portée un duo d'antihéros croustillants et des personnages secondaires qui ne le sont pas moins, le récit oscille entre la comédie loufoque, le conte écolo et la fantaisie potache. Surtout, il se déleste d'un quelconque formatage, en changeant de rythme sans prévenir et en délaissant en route la tentation de fouiller davantage ses personnages, quitte à les laisser figés dans leur caricature désopilante. Ainsi détachée des contraintes, Florence Gardelle, pour son premier album, se lance dans des décors détaillés à l'extrême, contrastant avec la ligne minimale des protagonistes. Est-ce parce qu'elle a suivi une formation de paysagiste, avant d'intégrer le master BD de l'École européenne supérieure de l'image d'Angoulême, qu'elle s'attarde à ce point sur les fleurs, les arbres et les mousses ? L'œil ralentit alors la lecture effrénée de l'histoire pour se plonger dans ces foisonnantes frondaisons, d'autant que de somptueuses pages en couleurs viennent illuminer par surprise le périple en noir et blanc de Michel et Zonzon. Survient alors la terrible réalité : l'aventure s'achève presque trop vite, sans qu'on y prenne gare, tant le plaisir était allé crescendo, dans une narration en folie mais jamais à la dérive.

Florence Gardelle
La dérive
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 21 € ; 96 p.
ISBN: 9782075196130

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