Cette histoire de passion filiale et de tentation débute au milieu des années 1980 mais elle pourrait se passer au XIX^e siècle, au Moyen-Age ou même dans un temps biblique. C'est la langue de la comédienne et auteure de théâtre Guyette Lyr, romancière rare (huit ans depuis Judith Nothing) qui rend à la fois si singulière et si classique, cette tragédie : la chute de la petite Maison Vialle. Lui à deux pas de moi c'est donc surtout une voix, le phrasé gouailleur de Martin, le fils aîné de Roger Vialle et de Marguerite. Avec la grand-mère maternelle et la petite sœur Jeannette, ils vivent à cinq dans le cocon d'une petite ferme, « la mer au bout du maïs ». La voix d'enfant installe, avant le drame à venir, le bonheur simple : la jeunesse joyeuse de la mère, la carrure sans morgue ni honte du père. Ce sentiment partagé d'être chanceux alors que les vers de l'ambition rongent bientôt le fruit, que les loups attendent leur heure pour croquer les petites chèvres. « Avec père en fortune, on va tranquilles et fiers comme des riches », affirme la voix dans sa dévotion. Puis c'est le déménagement à la ville. Le fils Vialle a neuf ans. Salie pour toujours la « vie au propre ». Abattu le géant qui disait : « Regarde Martin, regarde, fiston, la mer, là-bas, personne ne peut nous la prendre. »