L'amitié est une boule à facettes. Elle peut briller de mille feux, mais elle porte également des sentiments ambivalents : la complicité, l'envie, la jalousie, la trahison ou le pardon. On la perçoit de façon aussi linéaire que l'amour, or elle se révèle on ne peut plus fluctuante. C'est ce que vont comprendre, à leur détriment, Hannah, Lissa et Cate. On les découvre jeunes, naïves et idéalistes, un peu dans l'esprit « Sex in the City », dans le London Fields des nineties. Une fin de décennie, où l'avenir semble se dessiner dans la confiance. Confiance en leur destinée et confiance l'une en l'autre. « La vie est encore malléable et pleine de potentiel. Il leur reste du temps pour devenir celles qu'elles seront. » Elles partagent d'ailleurs un logement, un sentiment de révolte et plein de confidences. Or l'existence les emporte vers des voies qu'elles n'imaginaient pas. Le roman suit leurs trois trajectoires, en alternant les époques. Le passé éclaire le présent ou leur peur d'un lendemain incertain. Ces héroïnes modernes incarnent des « âmes sœurs », pour qui l'amitié constitue le meilleur antidépresseur. Tantôt attendrissantes, tantôt agaçantes, elles tentent de s'en sortir malgré leurs entraves respectives. Comme le dit Lissa, « on fait de notre mieux, putain ».
Cate ne s'est jamais remise d'un chagrin d'amour. Elle a recours aux sites de rencontres pour trouver le bonheur espéré. Et s'il se situait dans la banalité du quotidien et de la maternité ? Hannah espère désespérément devenir mère. Elle s'accroche à son amoureux de jeunesse, Nathan, et aux progrès médicaux. L'enchaînement des échecs plombe leur couple. Impuissante, elle croit « qu'elle tue les choses avant même qu'elles soient nées ». Lissa partage ce sentiment frustrant. Entre castings de cookies et jobs alimentaires, cette comédienne célibataire ne parvient pas à concrétiser ses rêves. « Elle est creuse : il n'y a rien en elle, rien qui l'amarre, ni le talent, ni le succès. Elle a perdu quelque chose. Ou beaucoup de choses. »
De fait, personne n'a prévenu ce trio d'oiseaux qu'on pouvait perdre des plumes en s'envolant. Après Le chagrin des vivants et le succès de La salle de bal, Anna Hope poursuit ses portraits de femmes. Contrairement à leurs aînées, celles-ci se sentent moins engagées. Sarah, la mère artiste et activiste de Lissa, le regrette. Sa fille « a mal saisi le bâton dans le relais féministe intergénérationnel. On est allé changer le monde pour vous. Et qu'est-ce que vous en avez fait ? » Chacune navigue dans le brouillard de ses questions existentielles. L'amitié des trois jeunes femmes résistera-t-elle à toutes ces intempéries ? Une chose est sûre. « Elles ne sont plus les mêmes. Elles s'inquiètent de l'avenir, de leurs enfants, du monde dont ils vont hériter. Elles s'inquiètent de la manière dont leur génération sera jugée par les suivantes. » Mais, des joies les relieront aussi.
Nos espérances Traduit de l'anglais par Elodie Leplat
Gallimard
Tirage: 30 000 ex.
Prix: 22 euros ; 368 p.
ISBN: 9782072851391