L’ouvrage sortira finalement cette année, "avant ou après l’été" assure-t-on chez l'éditeur, sans qu’une date de mise en vente ne soit annoncée, toujours en raison des incertitudes liées à la crise sanitaire. Il est vrai qu’on imaginait mal l’éditeur publier un tel ouvrage en 2022 l’année de l’élection présidentielle…
Il aura donc fallu dix ans, depuis la prise de décision par l’historien Anthony Rowley, alors éditeur chez Fayard, et la prise de décision du patron de l’époque Olivier Nora pour que ce projet aboutisse. Dix ans pour mettre en place, accompagner et finaliser cette édition scientifique de l’ouvrage, les historiens n’étant pas tous d’accord sur la nécessité de republier un tel livre, d’autant qu’une édition française sans appareil critique existe déjà depuis 1934, dans une médiocre traduction., tous les germanistes s’accordant sur ce point.
4500 exemplaires vendus l'an dernier
Cette version pirate publiée aux Nouvelles Éditions Latines n’ayant pas eu l’autorisation de Hitler, le chancelier du Reich fit interdire l’ouvrage et imposa en 1938 une mouture expurgée, notamment des passages anti-français, chez… Fayard. Après la Seconde Guerre mondiale, la première version reparut aux Nouvelles Éditions Latines avec son avertissement de quelques pages précisant le caractère raciste et antisémite du contenu. Il s’en est vendu 4500 exemplaires en 2020 selon Gfk.
L’annonce de cette édition savante de Mein Kampf intervient au moment où paraît la version polonaise chez Bellona, elle aussi avec un important appareil critique avec plus de 2000 notes de bas de page. Dans ce pays envahit par l’armée allemande en 1939 pour devenir le lieu de la Shoah, l’ouvrage de 1000 pages traduit par l’historien Eugeniuz Cezary Król est vendu 149 zlotys (33 euros), un prix plutôt dissuasif compte tenu du coût de la vie dans ce pays. Les Polonais arrivent ainsi en troisième position, les Italiens ayant produit leur édition critique en 2017.
Les raisons qui ont vu cette vague européenne sont à rechercher dans le droit d’auteur. Mein Kampf est tombé dans le domaine public le 1er janvier 2016. Chacun pouvant désormais publier ce texte légalement – sauf législation particulière - la nécessité d’une édition irréprochable s’est donc fait sentir chez les historiens. Les premiers furent les Allemands qui ont publié en 2016 une édition en deux volumes de près de 2000 pages pilotée par l’Institut für Zeitgeschichte (IFZ) – Institut d’histoire contemporaine. Dans ce pays où l’ouvrage était jusqu’alors interdit – comme aux Pays Bas – les ventes ont atteint 100000 exemplaires.
L’édition française devrait comporter les 800 pages du texte de Hitler traduit par Olivier Mannoni, l’un des meilleurs orfèvres de la langue allemande, même si le texte n’a aucune valeur littéraire, auquel s’ajoutent les 400 pages de l’appareil critique pour faire tenir le tout dans un copieux volume de 1200 pages. Sur le même principe, une édition britannique est également en préparation.