Imaginé et organisé par les éditions Lattès (qui publient chaque année le lauréat), RFI et la Cité internationale des arts, le prix Voix d'Afrique se donne pour objectif de faire émerger les nouvelles voix du continent africain. Pour sa troisième année d'existence, le jury du prix, présidé par Abdourahman Waberi, a pour la première fois récompensé une femme. Âgée de 28 ans, originaire d'un village de l'ouest du Cameroun et du peuple bamiléké, Ernis vit à Douala où elle s'est fait connaître comme slameuse. C'est ce goût, cet usage gourmand, presque joyeux, des mots, qui font d'abord tout le prix de son premier roman, Comme une reine. C'est aussi, ne nous y trompons pas, par la force de la réflexion qu'elle y mène sur les aléas de la condition féminine dans un pays qui a du mal à se confronter à ses propres ambiguïtés à ce sujet.

Soit donc l'histoire d'une jeune femme. Elle aussi vit à Douala où elle collectionne les petits boulots et − on le comprend à demi-mot − les déceptions sentimentales. Lasse des rendez-vous manqués de sa vie, ayant quitté sans regret son ultime travail, elle entreprend de revenir pour quelques jours au moins vers son village natal afin d'y retrouver ses souvenirs et sa grand-mère qui, encore plus que les autres femmes de sa famille (sa mère, son arrière-grand-mère, une tante), l'a élevée. Ce pèlerinage vers le passé va s'avérer l'être tout autant en direction de ce qui pourrait être son futur. La jeune femme renoue certes avec les histoires qui la fondent, notamment l'héritage médiumnique de celles qui l'ont précédée, mais aussi avec celui qui fut son ami d'enfance et de cœur, Kazé. Celui-ci, après des études qui l'ont mené jusqu'en Allemagne, est aussi de retour dans son village natal. C'est pour y accomplir son destin. Il est le fils du roi de la bourgade, qui vient de disparaître, et ce faisant s'apprête à devoir en supporter à son tour la charge dynastique. Il devient le garant des lois immémoriales, sociales, religieuses, coutumières, au nombre desquelles par exemple, la polygamie...

Ce Comme une reine est le récit d'un double mouvement paradoxal : ce qui chez son héroïne porte au refus et ce qui relèvera de l'acceptation (et d'abord de la compréhension). Le chemin accidenté qui va de l'un à l'autre sera la ligne de tension qui innerve l'écriture d'Ernis. Une femme se révèle peu à peu à elle-même, une écrivaine à ses lecteurs. Tout est bien.