"Le monde regorge de Cassandre", mais on ne les écoute pas. Tant de signes nous alertent aujourd’hui sur une tragédie imminente, mais on reste en suspens en l’attendant. Céline Lapertot fait partie des auteurs qui l’affrontent à bras-le-corps. Alors que son premier roman se penchait sur la violence intime, le second, Des femmes qui dansent sous les bombes (2016), sondait celle qui gronde autour de nous. Ici, elle touche à l’actualité : l’écologie, la désillusion politique, la migration ou le racisme. Le tout sous le prisme d’un conte à Cartimandua, un pays imaginaire dépositaire d’un trésor inestimable. Sa citerne démesurée abrite une quantité d’eau astronomique. Une denrée rare qui attire une marée humaine assoiffée, fuyant des contrées désertiques.
Parmi ces visages anonymes, il y a Karole, une petite fille à la voix cristalline. Tous ces réfugiés sont animés par "ce fol espoir qui prend racine au cœur même de la vie, là où les femmes allaitent, là où les hommes supplient le ciel de donner quelques gouttes de pluie". Cartimandua ne les accueille pas à bras ouverts. Au contraire, ses habitants redoutent l’arrivée de ces "nez verts".
"La vie, la mort ne tiennent qu’à la force de nos regrets ou de nos choix." Plusieurs personnages poignants en feront l’expérience, confrontés à l’apocalypse. A la fois mythologique et hypnotique, l’écriture de Céline Lapertot navigue en eau trouble pour mieux dénoncer la lâcheté des hommes. "L’être humain est avant toute chose une mémoire. Un être de passé, de futur, de silence…" S’il veut bâtir l’avenir, il va devoir se remettre en question. K. E.