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Dossier Santé et bien-être : sain de corps et d’esprit

Olivier Dion

Dossier Santé et bien-être : sain de corps et d’esprit

Sur un marché en pleine croissance, les frontières entre les rayons bien-être et santé se brouillent, et le mieux-vivre se pense de manière globale. Les éditeurs adaptent leur offre à un public qui a compris que le bien-être contribue à une bonne santé.

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Par Sophie Gindensperger
Créé le 28.10.2016 à 01h33 ,
Mis à jour le 28.10.2016 à 13h16

Aujourd’hui le lecteur de livres de santé et bien-être est exigeant. Il veut tout en même temps : mieux manger, mieux se porter, mieux penser, bref, mieux être. Les desiderata de ce lecteur type ont dessiné l’évolution du secteur, où les frontières entre les rayons se brouillent. "Depuis peu, les clients en développement personnel veulent aussi des conseils sur la santé", constate la responsable du rayon vie pratique à la Fnac Saint-Lazare. Et ils en veulent beaucoup, si l’on en croit la croissance du secteur cette année. Selon les chiffres de l’institut GFK, de janvier à juin, le segment santé a gagné 7 % en volume et 11 % en valeur par rapport à la même période de l’année précédente. De son côté, le bien-être a vu ses ventes s’envoler de 37 % en volume et de 39 % en valeur. "C’est un secteur extraordinairement dynamique depuis deux ans", confirme Elisabeth Darets, directrice générale de Marabout. Même constat chez Leduc.s où 200 nouveaux ouvrages ont été publiés en 2016 et où 300 sont prévus l’an prochain, selon la directrice éditoriale Karine Bailly. "En 2017, nous allons accentuer l’axe du bien-être, le marché est là", assure de son côté Anne Le Meur, responsable du pôle bien-être et santé chez Hachette Pratique.

"Comme on sait que l’intestin et les aliments modèlent le corps et le cerveau, la nourriture va être un médicament ou un palliatif." Elisabeth Darets, Marabout - Photo OLIVIER DION

Les lecteurs en 2016 ont décidé de travailler sur l’ensemble du corps et de l’esprit et se sont rués sur le livre du médecin cathodique Michel Cymes, Vivez mieux et plus longtemps, publié chez Stock en février et qui tutoie les 300 000 exemplaires. Son thème est dans l’air du temps : le mieux-vivre imprègne les publications récentes et à venir, attestant que le bien-être est aussi nécessaire à une bonne santé, dans une démarche de prévention. "On part du principe que le mieux-être s’appuie sur la santé physique, psychologique et spirituelle", avance Jacques Maire, fondateur de Jouvence, dont Albin Michel a pris cette année 30 % du capital. Corps et esprit se soignent de concert.

Marie-Anne Jost-Kotik, directrice éditoriale chez First-Gründ- Photo OLIVIER DION

La mécanique du tube

L’épicentre de cette nouvelle tendance reste situé du côté des intestins, et notamment de leur "charme discret" mis en lumière avec humour par l’Allemande Giulia Enders chez Acte Sud l’an dernier, et qui conserve la tête des meilleures ventes du secteur en 2016. Portés par cet intérêt renouvelé pour cet organe jusque-là mal-aimé, plusieurs ouvrages ont été publiés cette année étudiant nos entrailles sous toutes les coutures. "Quand un éditeur a son succès, il faut prendre les choses d’une autre manière", rappelle Anne Le Meur, directrice éditoriale chez Hachette Pratique. Alors pour renouveler l’approche, certains ont choisi l’angle des bactéries (Les bactéries, des amies qui vous veulent du bien paru en mars chez Solar), ou du pratique, comme Prendre soin de son intestin en 140 recettes publié en août chez First. "Comme on sait que l’intestin et les aliments modèlent le corps et le cerveau, la nourriture va être un médicament ou un palliatif", analyse Elisabeth Darets.

C’est donc logiquement du côté de la cuisine et de la diététique qu’apparaît de façon flagrante ce nouveau périmètre. A l’instar de 150 super-aliments pour votre santé, paru en mai chez Larousse, de plus en plus de livres lient ce qu’on trouve dans notre assiette à notre état de forme : cela passe par la Détox ayurvédique chez Hachette Pratique ou encore les Jus santé maison chez Larousse. "Depuis que l’ère Dukan est révolue, nous sommes dans une période de non-régime et de non-cuisine, nous sommes plus dans l’assemblage. Et la diététique est désormais plus une question de bonne santé que de poids", rappelle Aurélie Starckmann, directrice éditoriale chez First-Gründ (Edi8). Y compris dans le cas d’affections chroniques, que l’on va prévenir voire combattre grâce à notre alimentation. Meilleure vente dans les parutions de l’année pour la maison Leduc.s, Le meilleur régime du monde expose les principes du régime DASH, qui lutte contre l’hypertension, tandis que chez First le médecin star Jean-Michel Cohen se place sur ce créneau avec de nouveaux ouvrages, Je mange quoi… quand j’ai du diabète ou Je mange quoi… quand j’ai du cholestérol. "Nous voulons aider le lecteur à comprendre, à prévenir la maladie et mettre en œuvre des solutions alternatives, en complément de ce que propose le médecin", confirme Gwénaëlle Painvin, responsable éditoriale chez Eyrolles, qui propose Le grand livre de l’arthrose ou Le grand livre du diabète.

L’attention portée aux alimentations sans gluten et sans lactose, nouveaux usages qu’il s’agit d’aider au quotidien, est elle aussi de plus en plus grande : Terre vivante y consacre une toute nouvelle collection, "Cuisiner sans… gluten". Albin Michel vient de se lancer avec Je cuisine gourmand avec les laits végétaux. S’il a mis plus de temps à se développer en France, le végétarisme est désormais bien installé dans les rayonnages. "L’objectif, c’est d’être heureux grâce à un corps bien entretenu", résume Catherine Delprat, directrice éditoriale chez Larousse.

Du côté de la nourriture spirituelle aussi, les frontières ont évolué. "Avant, la spiritualité était rattachée à l’ésotérisme, c’est désormais un élément du développement personnel", remarque Karine Bailly, qui vient de publier chez Leduc.s Transformez votre vie grâce au Bouddha de Fabrice Midal, confirmant un engouement pour la méditation qui ne faiblit pas, de même que celui pour la sophrologie. A la frontière de toutes ces tendances, le yoga continue de faire des adeptes en librairie. Y compris pour les enfants, dont le développement personnel est devenu un enjeu majeur des éditeurs, qui multiplient les ouvrages d’exercices de concentration destinés aux plus petits.

Cuisine faite maison

Les plantes et leurs bienfaits continuent de susciter l’intérêt. Secrets de naturopathes, paru en février chez Leduc.s, a très bien démarré, suivis de Ma bible des secrets d’herboriste. "Ça correspond bien aux gens qui veulent sortir du "tout médicaments", des antibiotiques, et veulent se tourner vers les médecines plus intuitives, ancestrales", analyse Karine Bailly. La même logique pousse de plus en plus de lecteurs à se passer des produits transformés, ou en tout cas d’en avoir une consommation raisonnée. Ils se tournent pour cela vers des ouvrages comme Le bon choix au supermarché chez Thierry Souccar ou le Guide d’achat pour bien manger de Jean-Michel Cohen, chez First, rejoint cette année par Je ne mange pas de produits industriels, chez Eyrolles. "Il y a un recentrage vers une cuisine faite maison, avec moins de sucres et moins de produits chimiques", confirme Elisabeth Darets.

L’allégement culinaire se prolonge dans notre environnement direct. Après le succès de la Magie du rangement de Marie Kondo l’an dernier, le marché des conseils en rangement est devenu, lui, plutôt encombré. La tendance va désormais vers le minimalisme, s’accompagnant d’une "dimension écologique et citoyenne", note Marie-Anne Jost-Kotik, directrice éditoriale chez First-Gründ (Edi8). Avec des titres comme Rangement détox, chez Solar, ou Range ta vie ! chez Larousse, on associe définitivement la pureté de l’être à celle de ses placards. "Nous nous désencombrons, au propre comme au figuré", analyse Catherine Delprat.

Cette année, il s’est aussi agi de faire de la place dans son emploi du temps avec Miracle morning de Hal Elrod, chez First. En prônant le réveil ultra matinal pour parvenir à réaliser ses objectifs, l’Américain a suscité un écho médiatique très important. Chez Leduc.s, La magie du matin s’est intéressé aux routines matinales de nombreuses personnalités. Ces méthodes se déclinent ensuite dans des cahiers pratiques, un format de plus en plus prisé des éditeurs. Chez Eyrolles, on prépare J’arrête de ramollir : 21 matins pour prendre son corps et sa tête en main. Jouvence vient de publier un volume de sa collection "Petit cahier d’exercices" consacré au lever tôt. Avec plusieurs nouvelles parutions sur ce format, le cahier pratique s’inscrit dans la durée. Peut-être succédera-t-il aux carnets de coloriages qui, s’ils assurent encore un volume de vente non négligeable, sont désormais en retrait.

La santé en chiffres

A la recherche de nouveaux auteurs

 

Dans un rayon où la thématique a longtemps primé sur l’auteur, les éditeurs recherchent désormais des plumes sachant vulgariser tout en rassurant les lecteurs par leur caution scientifique.

 

"Le secteur est très encombré, et il va le demeurer. Cela incite à faire très attention au choix de nos auteurs." Laure Paoli, Albin Michel- Photo OLIVIER DION

Le plébiscite de Giulia Enders ou de Michel Cymes montre à quel point les lecteurs cherchent des livres incarnés par une voix, une personnalité, et avec un style qui aborde les sujets les plus sérieux dans la légèreté. Cet engouement n’échappe pas aux éditeurs, toujours à l’affût de talents à même de porter un discours crédible qui saura toucher un large public. "Le secteur est très encombré, et il va le demeurer. Cela incite à faire très attention au choix de nos auteurs", résume Laure Paoli, directrice éditoriale chez Albin Michel. L’un des principaux pourvoyeurs de plumes dans le développement personnel et le bien-être reste le marché anglo-saxon. "Nous avions repéré Hal Elrod (Miracle morning) dès son autoédition aux Etats-Unis, et acquis les droits très tôt", raconte Marie-Anne Jost-Kotik, directrice éditoriale chez First-Gründ (Edi8).

Cette transposition est moins évidente dans la santé, où il est nécessaire de tenir compte de certaines spécificités françaises. "On n’a pas les mêmes habitudes que les Américains", souligne Karine Bailly, directrice éditoriale chez Leduc.s. D’autant plus qu’un auteur qui ne parle pas français aura du mal à porter l’ouvrage dans l’Hexagone. L’éditeur peut alors avoir recours à un spécialiste français, qui endossera l’ouvrage. Le domaine reste en effet l’apanage des experts, choisis parce qu’ils sont des références dans leur domaine, ou parfois des collectifs.

Bien-être sur Internet

Ils chassent aussi les nouvelles plumes sur internet, plus du côté bien-être que du coté santé. C’est le cas par exemple d’Elodie-Joy Jaubert, alias Sirène Bio sur son blog, qui vient de publier L’art du minimalisme chez Leduc.s. "Je suivais son blog sur la beauté, et quand j’ai vu qu’elle s’intéressait au minimalisme, je lui ai proposé de faire un livre", explique Karine Bailly. "Nous sommes très attentifs aux blogueurs. Avec eux, ce sont des relations de travail différentes : on complète leur public avec celui des librairies, c’est plus un travail de partenariat que dans la relation plus classique éditeur-auteur", ajoute-t-elle. Hachette Pratique a choisi de publier en avril dernier The book des youtubeuses Caroline et Safia. Elles balaient à la fois le secteur de la beauté, du fitness et du bien-être, un cocktail emblématique du secteur. "Le public se rajeunit sur la thématique du bien-être grâce à la beauté", estime Anne Le Meur, directrice éditoriale chez Hachette Pratique. Mais, attention, il faut bien choisir. "Tous les youtubeurs et toutes les youtubeuses à succès ne font pas un livre. De même, une audience importante ne garantit pas la qualité d’un livre", ajoute-t-elle. Une semaine avant la parution de leur ouvrage, les deux youtubeuses ont annoncé qu’elles se séparaient, de quoi donner des sueurs froides à leur éditrice. "C’est une génération qui vient de la téléréalité, relativise celle-ci. C’est une nouvelle façon de penser, ça va très vite. Elles vont aller vers de nouvelles cibles, que nous ne connaissions pas très bien." Une autre façon de renouveler l’approche peut passer par le témoignage, surtout quand c’est celui d’un expert comme pour Renaître, les choix d’un médecin face à son cancer du docteur Gérard Vigneron, paru en septembre au Relié.

Autre biais pour élargir le public, le recours à un illustrateur est de plus en plus courant. Le dessin permet de dédramatiser le discours, comme l’ont fait par exemple l’illustratrice Emmanuelle Teyras et le kinésithérapeute Frédéric Srour dans Même pas mal, chez First. "Cet humour sur un texte de fond est nécessaire, c’est aussi valable parce que les jeunes aujourd’hui ont une habitude de graphisme extrêmement forte", rappelle Elisabeth Darets. Elle cite l’exemple chez Marabout de la collection "comment j'ai décroché de", dont le dernier volume, Comment j'ai décroché de la viande, est paru le 7 septembre.

Quand l’auteur a les deux compétences, l’essai se fait roman graphique. C’est le cas chez Eyrolles avec le Journal d’une hypnothérapeute de Catherine Lefaivre-Roumanoff, paru en mars, ou chez First avec Devenir zen pour les nuls de Leslie Plée, édité fin 2015. Les deux maisons confirment qu’elles considèrent ce médium comme un axe de développement à creuser. "C’est un mode d’entrée dans le livre plus accessible et plus réjouissant qui permet peut-être de toucher un autre public", remarque Gwénaëlle Painvin, responsable éditoriale chez Eyrolles.

Marabout, pionnier dans ce secteur, a décidé de faire un pas de côté avec une nouvelle collection à petit prix. "Zéro blabla" verra le jour en mars 2017. Avec un premier titre consacré au yoga. Ici, pas de blagues dessinées, mais des "facilitateurs de compréhension" ultragraphiques. Une tendance repérée, là encore, sur la Toile.

Meilleures ventes : le charme discret du vivre mieux

Habituellement très stable, le secteur du livre de santé et de bien-être a opéré depuis l’an dernier sa petite révolution avec les deux titres qui prennent la tête du classement : Le charme discret de l’intestin de Giulia Enders et Vivez mieux et plus longtemps de Michel Cymes, publiés respectivement en 2015 et 2016. Ces succès marquent aussi l’intérêt renouvelé des lecteurs pour le grand format, même si les livres de poche et à petits prix, avec 27 ouvrages, occupent encore plus de la moitié du classement. La version poche de Changez d’alimentation d’Henri Joyeux trouve sa place dans le top 5, après que le titre a été troisième en grand format l’an dernier.

Le secteur de la santé et du bien-être fait toujours la part belle au fonds, puisque 34 ouvrages publiés avant octobre 2015 figurent dans les 50 meilleures ventes des douze derniers mois. L’incontournable Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus a perdu plus de dix places en deux ans, mais les Quatre accords toltèques, vedette du rayon, se maintient dans le top 5. Sur les dix meilleures ventes, six relèvent du développement personnel et de la méditation, quatre de la santé.

Les auteurs les plus populaires du secteur restent Christophe André qui, comme l’an dernier, figure trois fois dans le top, et Frédéric Saldmann, qui apparaît deux fois. Marie Kondo et sa Magie du rangement réussissent l’exploit d’être dans le top 15 à deux reprises, en grand format et en poche.

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