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Dossier Concours administratifs : à chaque branche ses défis

Olivier Dion

Dossier Concours administratifs : à chaque branche ses défis

La réforme scolaire et la hausse des vocations dans la sécurité ont tiré une année plutôt médiocre pour les éditeurs d’ouvrages préparant aux concours administratifs. Les inconnues en termes de créations d’emplois publics les incitent à la prudence. Que ce soit dans les domaines de la fonction publique, de l’enseignement ou de la santé, chacun adapte sa stratégie.

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Par Charles Knappek
Créé le 13.01.2017 à 00h32 ,
Mis à jour le 13.01.2017 à 09h48

Au sortir d’une année de recul prononcé sur le marché des concours administratifs, les éditeurs appréhendent le prochain exercice. Si le concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE) a dynamisé l’activité en 2016, les concours de la fonction publique territoriale et du domaineparamédical ont rencontré davantage de difficultés. Les velléités de certains candidats à l’élection présidentielle, l’actuel favori des sondages François Fillon en tête, de réduire fortement le nombre d’emplois publics ajoutent encore une inconnue à l’équation. D’autant que la remise en question du statut des fonctionnaires trouve écho chez d’autres candidats comme Emmanuel Macron. En 2015, celui qui n’était encore que ministre de l’Economie avait estimé que ce statut n’était plus "adéquat".

"L’objectif des candidats est de rentrer dans la fonction publique, "J’intègre" est donc plus parlant." Eric d’Engenières, Dunod- Photo OLIVIER DION

Entre incrédulité et circonspection, les éditeurs s’efforcent de rester optimistes. "Les rares fois où certains concours ont été supprimés, par exemple en 2009 avec la police, les personnes non recrutées ont manqué et il a fallu relancer les recrutements dès l’année suivante", se souvient une éditrice. "Si le nombre de postes diminue beaucoup, la compétition sera plus forte entre les candidats et ils auront besoin de se préparer encore plus, veut croire un autre. Il n’y a pas forcément de corrélation entre le nombre de places disponibles et le nombre de candidats."

"On est vraiment dans le tout-en-un d’une épreuve avec du cours, de la méthode et des entraînements. Le but est de rassurer le candidat." François Cohen, Vuibert- Photo OLIVIER DION

Dans ce contexte de contraction des ventes, les éditeurs s’adaptent. Certains comme Foucher recentrent leur offre sur leurs collections historiques. Le département d’Hatier avait lancé deux collections en 2014. "Trajectoire", qui se distinguait par un positionnement transversal, est arrêtée faute de résultats probants. Quant à "Visa", qui propose un planning de révision pour aider les candidats à se préparer en autonomie, elle n’est plus développée. L’éditeur se concentre désormais sur "Pass’ concours" et "Réussite concours" (ex-"Foucher concours") avec un important travail de refonte des contenus. "On n’est pas dans la simple mise à jour, ce sont de nouveaux livres, assure Nathalie Théret, la directrice déléguée de Foucher. Nous avons été très attaqués ces dernières années, nous rebattons nos cartes sur l’ensemble du marché."

 

Relais de croissance

De son côté, Nathan ajuste au plus près les mises en place pour optimiser la rotation de ses manuels. "Nous voulons proposer les livres au moment où les candidats vont vraiment en librairie, explique Patrick Gonidou, le directeur éditorial du département sciences et concours. Pour certains concours comme celui de contrôleur des finances, ils anticipent beaucoup. Alors que pour d’autres comme l’oral du CRPE, ils achètent seulement quelques semaines avant, souvent après avoir validé l’écrit."

Chez Dunod, les grandes manœuvres concernent les ouvrages préparant aux concours de la fonction publique qui sont tous basculés de la collection "Je prépare" vers la collection "J’intègre". "L’objectif des candidats est de rentrer dans la fonction publique, "J’intègre" est donc plus parlant", justifie Eric d’Engenières, directeur éditorial classes préparatoires et concours. De son côté, Hachette Supérieur procède à une baisse des prix de quelques-uns de ses titres.

Mais certains éditeurs continuent à se développer. Vuibert a notamment lancé en 2016 la collection "Super préparation". Entamée avec Tests psychotechniques d’aptitude, elle s’enrichit d’un 4e titre en ce mois de janvier : AS-AP. L’oral. "Avec cette collection, nous abordons les épreuves les plus importantes, les plus anxiogènes", détaille son directeur général François Cohen. La collection, dont 3 titres sur les 4 préparent un concours paramédical, a un potentiel de développement restreint : "Nous allons encore publier quelques nouveautés, mais le nombre d’épreuves qui permettent de proposer de tels ouvrages est limité, admet François Cohen. On est vraiment dans le tout-en-un d’une épreuve avec du cours, de la méthode et des entraînements. Le but est de rassurer le candidat."

Pour l’ensemble des éditeurs, les ouvrages préparant aux tests psychotechniques constituent un relais de croissance substantiel. Chez Vuibert, 700 tests psychotechniques et de raisonnement logique est 2e de notre palmarès des meilleures ventes. Les piliers du secteur sont tous présents sur le créneau, et First a également exploré ce segment avec la publication en octobre 2015 de Tests psychotechniques pour les nuls : concours. Un coup d’essai qui a porté ses fruits avec 5 000 exemplaires vendus, selon Marie-Anne Jost-Kotik, la directrice éditoriale.

Les concours administratifs en chiffres

Sauvés par la sécurité

 

Les incertitudes pesant sur le statut et le nombre des fonctionnaires d’Etat ou territoriaux minent le secteur, qui trouve une bouffée d’oxygène dans les concours liés à la sécurité.

 

"Nous apportons aux candidats les clés pour se mettre en valeur et mieux se connaître pour apporter les bonnes réponses." Laure-Hélène Accaoui, First- Photo OLIVIER DION

Les ouvrages préparant aux concours ouvrant aux métiers de la sécurité (police, gendarmerie…) sont dynamisés par la hausse des vocations suite aux attentats, le marché des autres concours adminstratifs est plus contrasté. A La Documentation française, l’activité se maintient "grâce à la multiplicité des titres", souligne Dominique Lesage, du département de l’édition, parmi lesquels Assistant de conservation principal du patrimoine et des bibliothèques, Attaché territorial et Agent de maîtrise. Jouissant d’une image de référence avec ses ouvrages transversaux dans les concours de catégorie A, La Documentation française peut s’appuyer sur des ouvrages comme Les politiques publiques, de loin sa meilleure vente de 2016, ou L’épreuve de QRC aux concours et Le droit public.

"Les ouvrages purement de méthode ont plutôt tendance à stagner." Claire-Marie Buttin, la Documentation française- Photo OLIVIER DION

Quelques concours continuent traditionnellement d’attirer un assez large public : adjoint administratif (en catégorie C), rédacteur territorial (B) ou encore attaché territorial (A). Chez Studyrama, le directeur Frédéric Vignaux signale également les bonnes performances de ses ouvrages dédiés au concours des instituts régionaux d’administration (IRA). "Le thème de l’année aux IRA est intéressant. C’est un titre qui vit très peu de temps, moins de six mois, mais qui atteint sans difficulté les 2 000 exemplaires." L’éditeur, "content de progresser sur un marché qui n’est pas très joyeux", annonce une nouveauté pour mars : Fonction publique et gestion des ressources humaines.

Mais c’est sur le marché des concours de gardien de la paix ou de sous-officier de gendarmerie, pour ne citer que les plus gros bataillons dans les métiers de la sécurité, que les candidats continuent d’affluer. Chez Vuibert, les ventes sur le concours de gardien de la paix ont "doublé", constate le directeur François Cohen. "La génération Charlie Hebdo est visible dans les ventes", observe Nathalie Théret, directrice déléguée de Foucher. Depuis 2015, l’éditeur a publié plusieurs nouvelles éditions de ses ouvrages de fond pour répondre à la demande accrue. Il n’est pas le seul. Studyrama annonce aussi un important volet de nouvelles éditions pour 2017.

Socle culturel

Hachette, déjà présent sur le concours de gardien de la paix et sur celui d’agent spécialisé de la police technique et scientifique avec sa collection "Objectif concours", voulait pour sa part étoffer son offre en 2016 mais n’a pu le faire, faute d’auteurs. "Nous voyons bien que les concours de la gendarmerie attirent beaucoup, et notre objectif est de proposer des ouvrages dès que possible", annonce Cécile Labro, directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie.

S’il ne propose pas d’ouvrage par types de concours dans les métiers de la sécurité, First arrive cependant sur le marché en publiant en mars de Tests psychotechniques et psychologiques pour les nuls : métiers de la sécurité. "Ce titre est adapté aux concours de police, gendarmerie, douane, administration pénitentiaire, etc., explique l’éditrice Laure-Hélène Accaoui. Les candidats doivent se soumettre à un entretien psychologique. Nous leur apportons les clés pour se mettre en valeur et mieux se connaître pour apporter les bonnes réponses."

Autre élément de stabilité pour les éditeurs : la culture générale. Dans ce domaine, derrière le leader Vuibert, First réalise sa meilleure performance sur le marché des concours. Foucher, La Documentation française, Nathan ou encore Ellipses emboîtent le pas et confirment que, malgré la disparition officielle des épreuves de culture générale dans les concours, les candidats ont toujours besoin d’un socle culturel, notamment pour préparer les épreuves orales.

C’est plus compliqué pour les ouvrages de méthodologie. Nouveauté de 2016 à La Documentation française, Le cas pratique a rencontré un succès modéré. "Les ouvrages purement de méthode ont plutôt tendance à stagner, observe Claire-Marie Buttin, responsable de la collection "Formation administration concours" ("FAC"). Il est possible qu’il y ait plus de concurrence sur certains titres. Il est aussi possible que les candidats pensent qu’ils ont davantage besoin de contenus et pas de méthode." Pour 2017, l’éditeur ne prévoit pas de nouveautés et table sur l’important concours de rédacteur, qui attire tous les deux ans environ 50 000 candidats.

Le CRPE porté par la réforme et les reconversions

 

L’évolution des programmes et l’augmentation du nombre de candidats au concours de recrutement de professeur des écoles permettent au secteur de se maintenir.

 

"Nous avons fait en sorte que nos ouvrages soient en adéquation avec les nouveaux programmes de la rentrée." Valérie Perthué, Hatier- Photo OLIVIER DION

Réformé en 2013, le concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE) a fait les beaux jours des éditeurs. Il a perdu en dynamisme à mesure que s’estompait l’effet de nouveauté et que s’installait le marché de l’occasion et, au premier semestre 2016, la morosité était de mise parmi les éditeurs.

Mais ces derniers reprennent des couleurs depuis l’entrée en vigueur en septembre des nouveaux programmes scolaires. Si le concours en tant que tel reste sur sa matrice de 2013, les programmes enseignés aux élèves ont eux évolué et ont nécessité la refonte intégrale des ouvrages préparant au CRPE, avec un effet immédiat sur les ventes. Hatier, le numéro un historique, est passé de 27 % à 33 % de parts de marché en un an. "Nous avons fait en sorte que nos ouvrages soient en adéquation avec les nouveaux programmes de la rentrée. Ils progressent tous très bien", se félicite Valérie Perthué, directrice éditoriale.

Refontes et innovations

L’effet de seuil très net par rapport au premier semestre bénéficie à tous, et ce d’autant plus que si le nombre de postes proposés pour la session 2017 est resté stable (13 031), le nombre de candidats a pour sa part augmenté de 5 % avec 86 409 inscrits. "Depuis septembre, ce sont les candidats préparant le concours de 2017 qui achètent, ils veulent des manuels à jour du nouveau programme scolaire", confirme Patrick Gonidou, directeur éditorial du département sciences et concours chez Nathan.

Cette dynamique incite les éditeurs à innover : Vuibert a lancé en septembre une nouvelle offre avec deux manuels qui traitent de leur discipline en un seul volume, l’un en mathématiques, l’autre en français. "Avec ces deux titres, nous sommes en rupture par rapport à ce que nous proposons dans nos collections "Admis" et "100 % efficace" où nos livres marchent bien, mais ont un potentiel de prescription faible", explique François Cohen, directeur général de Vuibert. Avec ce concept, l’éditeur confie avoir voulu "franchir un cap". "Nous proposons à la fois les connaissances à acquérir et la manière de les transmettre dans un même ouvrage. C’est plus ergonomique pour les élèves", détaille-t-il. Le concept pourrait-il être étendu aux autres matières du CRPE ? Sans doute, mais pas avant la rentrée 2017 et l’éditeur "ignore encore sous quelle forme".

Hachette a renforcé son offre en développant une série "Entraînement" en maths et en français au sein de sa grande collection "Objectif CRPE". Selon Cécile Labro, directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie chez Hachette Supérieur, ces nouveautés "démarrent très bien". Chez Dunod, le directeur éditorial classes préparatoires et concours, Eric d’Engenières, signale lui aussi une progression du chiffre d’affaires sur le CRPE, malgré un "certain encombrement du marché". L’éditeur a mis à jour ses titres, refondu ses couvertures et adopté de nouveaux codes couleur. Pour Patrick Gonidou, directeur éditorial chez Nathan, plusieurs facteurs expliquent ce regain d’intérêt pour le CRPE : "C’est devenu le concours de la reconversion pour un grand nombre de candidats qui, passé la quarantaine, quittent leur emploi pour se lancer dans l’enseignement." De fait, selon un récent rapport rendu par le Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire), 25 % des admis au CRPE en 2015 étaient des salariés du public et du privé, ou des demandeurs d’emploi. Hors demandeurs d’emploi, les salariés représentaient 15 % des admis, contre 8,4 % dix ans plus tôt. Ce public, plus expérimenté et plus mûr, n’hésiterait pas à aborder le concours avec une certaine dose de second degré, au point d’expérimenter le CRPE : tout-en-un pour les nuls chez First. "Il y a un côté dédramatisation dans le fait d’utiliser les "Nuls" pour préparer un concours qui plaît sans doute aux candidats plus mûrs, précise Laure-Hélène Accaoui, l'éditrice responsable des concours chez First. Mais nos contenus sont référents et nous savons que nous touchons aussi les jeunes étudiants." d

Concurrence sur le paramédical et le social

"Nous serons contents quand viendra la prochaine réforme car cela nous permettra d’innover." Manon Savoye, Ellipses- Photo OLIVIER DION

Les concours infirmiers (IFSI), d’aide-soignant auxiliaire de puériculture (AS-AP) et d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) sont de loin les principaux pourvoyeurs de ventes sur le segment paramédical et social. La concurrence s’y exacerbe et conduit les éditeurs à faire preuve d’imagination. Leader sur le concours Ifsi, Elsevier Masson intègre désormais un cahier d’entraînement détachable dans son long-seller Le méga guide concours infirmier et a testé une nouvelle série à la rentrée 2016 sur le concours AS-AP intitulée Les clés pour convaincre le jury. L’éditeur poursuit son développement en ce mois de janvier avec le concours infirmier. "On est dans une logique de pas-à-pas, les candidats sont accompagnés de manière moins académique, explique Manuela Boublil-Friedrich, directrice du pôle acquisition livres chez Elsevier Masson. Il y a une vraie appétence pour ce type d’approche et cela se vérifie avec le bon démarrage de la série."

 

Nouveau concours

Dans le même temps, les autres éditeurs ne restent pas inactifs : fort du succès de la première édition de Total Ifsi 2016 paru en janvier de l’année dernière, Dunod a déjà publié l’édition 2017 et complète son offre avec Total oral AS-AP 2017, paru en novembre et doté pour la première fois d’un site compagnon. Hachette va couvrir le nouveau concours accompagnant éducatif et social (fusion d’auxiliaire de vie et aide médico-psychologique), instauré début 2016. "Nous publions un tout-en-un en septembre 2017", annonce Cécile Labro, directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie. Foucher maintient un large éventail de titres et a procédé au recouverturage de plusieurs de ses ouvrages de fond, notamment en "Pass’ concours". L’éditeur, qui engage pour 2017 une opération de reconquête sur l’ensemble de ses marchés, n’a pas souhaité livrer davantage d’informations. Enfin, chez Ellipses, la directrice éditoriale Manon Savoye, si elle rappelle qu’elle travaille beaucoup en hors-collection, constate aussi que les épreuves ne bougent pas et que les effectifs sont stables. "Quelques titres fonctionnent bien, notamment nos tout-en-un, mais nous serons contents quand viendra la prochaine réforme car cela nous permettra d’innover."

Vuibert creuse l’écart

Avec 30 titres parmi les 50 références de notre palmarès annuel GFK/Livres Hebdo des meilleures ventes sur le marché des concours administratifs, Vuibert se taille la part du lion. L’éditeur monopolise 9 des 10 premières places du classement, ne laissant que la 8e à Nathan avec Les institutions de la France. Vuibert est porté par l’engouement pour les concours liés aux métiers de la sécurité - la thématique en forme du moment -, à commencer par le concours de gardien de la paix (1er), mais aussi par les ouvrages transversaux qui dominent le haut du palmarès.

La Documentation française fait ainsi une première apparition en 13e position avec Les politiques publiques, tandis que La culture générale fonction publique pour les nuls (25e) offre à First un relais de croissance régulière. Parmi les valeurs sûres, le concours d’attaché territorial, organisé tous les deux ans, a encore assuré de très bonnes ventes à plusieurs éditeurs. Il s’agit pourtant d’un concours de catégorie A, de ceux qui séduisent en général le moins de candidats. Dans le social, le concours d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles permet à Elsevier (17e) de faire une apparition dans le classement, mais l’éditeur est devancé sur la thématique par Vuibert (11e).

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