En préambule, le document précise ainsi que "la révolution numérique ne s’est pas traduite par un recul spectaculaire du marché physique au profit des consommations dématérialisées", contrairement aux secteurs de la musique et de la vidéo. Sur la décennie étudiée, le volume global de ventes de livres imprimés a seulement baissé de 4%, même si ce chiffre cache certaines disparités.
Hausse de la diversité des produits
Les types d’ouvrages concurrencés par le contenu disponible en ligne comme les dictionnaires ou les manuels scolaires ont connu une diminution des ventes plus importante que la moyenne, respectivement de 38 et 31%. A contrario, les livres jeunesse (+15%) et de loisirs (+16%) émergent gagnants suite à cette reconfiguration.
Grâce à leur dynamisme, ces deux secteurs se hissent également parmi les plus hétérogènes, avec une hausse respective de 70% et 52% de la variété des références. Le rapport relève cependant que toutes les catégories d’ouvrages sont concernées par une hausse de la diversité des produits, une "tendance lourde" et générale qui se vérifie particulièrement dans le secteur de la bande dessinée, malgré un poids relatif du marché en léger recul de trois points sur dix ans.
Microstructures
Le ministère de la Culture explique ce phénomène par l’impact accru du numérique sur la politique de l’offre traditionnellement favorisée par le monde de l’édition. D’après le document, l’émergence d’une gamme de services de distribution en ligne et d’impression à la demande a favorisé la prolifération de microstructures, éditeurs, particuliers en autoédition, associations et centres de documentation, qui ont massivement alimenté le marché en nouvelles références. Selon le rapport, le nombre d’éditeurs a augmenté de 50% de 2007 à 2016.
Ces "nouveaux venus" ont bénéficié de la précision des outils d'analyse numériques et des faibles coûts du dématérialisé, autant d'éléments qui diminuent les risques d'entrée sur le marché. Ces petits acteurs ont alors ciblé des niches très précises de lecteurs avec des titres extrêmement variés et pointus, quitte à en vendre peu. L’étude indique ainsi que "les livres dont les ventes sont inférieures à 100 exemplaires totalisent plus de 90% du nombre de références vendues au cours de la décennie".
Cet essor de l’édition indépendante s’est accompagné d’une polarisation accrue du marché, visible dans le recul —à hauteur de 15%— du nombre d’ouvrages de la tranche intermédiaire, ceux dont les ventes se situent entre 10000 et 100000 exemplaires. "L’inflation éditoriale" des principales maisons d’édition a pu défavoriser les structures de moyenne taille en accentuant la concurrence et la rotation des ouvrages, au point de saturer le marché – et les étals des libraires. Là encore, le numérique a renforcé la tendance, notamment grâce au "renforcement des logiques de marketing" basées sur l’accumulation de données qui ont permis aux grands groupes d'affiner leurs stratégies et d'alimenter leur offre.
19% des ventes
Le secteur de la vente en ligne continue quant à lui son ascension. Les plateformes Internet totalisaient 19% du volume total des ventes en 2016, contre 9% en 2007. Le rapport précise par ailleurs que, par rapport aux autres points d'achat, les sites d’e-commerce disposent du plus large éventail de références et exercent donc un impact positif sur la variété des titres consommés.
Mais malgré les évolutions apportées par les innovations technologiques, notamment en matière d'accès à une offre diversifiée, le texte conclut que "la prédominance des grands groupes" et la "concentration à l’œuvre depuis plusieurs décennies" n’ont pas été enrayés. "Il semble même que la structure d’oligopole à frange caractéristique des industries culturelles se soit renforcée à l’ère numérique", écrit Olivier Donnat.