Disparition

Disparition de Martin Parr : le photographe de la vie quotidienne en livres

Martin Parr - Photo Photo par JOEL SAGET / AFP

Disparition de Martin Parr : le photographe de la vie quotidienne en livres

Célèbre pour ses clichés aux couleurs saturées et son regard ironique sur la société de consommation et le tourisme de masse, Martin Parr s’est éteint samedi 6 décembre à Bristol. Plusieurs livres récemment parus ou à paraître lui sont consacrés.

Par Louise Ageorges
avec AFP Créé le 08.12.2025 à 12h49

Le photographe britannique Martin Parr, reconnaissable à son esthétique aux couleurs saturées et son regard plein d'ironie sur ses compatriotes ou la société de consommation, est mort samedi 6 décembre à l'âge de 73 ans, a annoncé sa fondation.

« C'est avec une grande tristesse que nous annonçons que Martin Parr (1952-2025) est décédé (samedi) à son domicile à Bristol », a-t-elle indiqué dimanche en même temps que Magnum Photos, prestigieuse agence pour laquelle le photographe a longtemps travaillé.

La cause de son décès n'a pas été précisée, mais le photographe avait été diagnostiqué d'un myélome, un cancer hématologique, en mai 2021.

Corps cramoisis par le soleil, garden parties chapeautées… Martin Parr a accédé au rang de star grâce à son esthétique inspirée de la publicité, avec gros plans et couleurs saturées, sa touche british et ses thèmes de prédilection, comme le tourisme de masse ou le consumérisme.

La notoriété de cet observateur de la vie britannique dépasse largement le cercle des amateurs de photographie, et son œuvre, parfois taxée de kitsch, lui a valu autant d'admirateurs que de détracteurs.

« J'aime et je hais l'Angleterre en même temps »

Né dans le Surrey le 23 mai 1952, Martin Parr a été initié à la photographie par un grand-père passionné. Lorsqu'il débute dans les années 1970, après des études à l'université de Manchester, il réalise des photos en noir et blanc, à l'instar des grands maîtres de l'époque, comme Henri Cartier-Bresson.

Mais il est irrémédiablement attiré par des objets atypiques comme les cartes postales… et la couleur. « Une fois que j'ai essayé la couleur, je ne suis plus jamais revenu en arrière », racontait-il en 2022 à l'AFP.

C'est au milieu des années 1980 qu'il se fait remarquer avec « Last Resort », clichés de vacanciers de la middle class à Brighton, avec fish and chips, baigneurs à la peau rougie et fêtes foraines pour enfants.

Cette série préfigure la suite de son œuvre, avec son recours au flash même en extérieur, et a marqué un tournant dans le style de la photographie documentaire britannique, même si certains lui ont reproché son regard sur la classe ouvrière de son pays.

« J'aime et je hais l'Angleterre en même temps », déclarait-il, après le Brexit en 2016, auquel il s'opposait. « Ce que je fais dans ma photographie est de capturer cette ambiguïté (...). Je veux pouvoir exprimer les contradictions anglaises : il y a du bon goût et du mauvais goût, et j'essaye de mélanger les deux dans mes photographies ».

Chaussettes et sandales

Après un parcours semé d'embûches, Martin Parr devient membre à part entière de l'agence Magnum en 1994. Henri Cartier-Bresson s'opposait à son entrée, avant de revenir sur sa décision. « Nous appartenons à deux systèmes solaires différents - et pourquoi pas ? », finira-t-il par écrire à Martin Parr… qui sera à la tête de Magnum, de 2013 à 2017.

Préférant capturer le quotidien que de fréquenter les zones de guerre, ce photographe portant chaussettes et sandales a aussi développé une pratique du selfie avant l'heure des réseaux sociaux.

Le tourisme de masse a sans nul doute été le fil rouge de sa carrière, ses photos de touristes faisant semblant de retenir la tour de Pise ou de Japonais massés sur une plage artificielle faisant le tour du monde.

Il a aussi capturé le consumérisme, les loisirs, le luxe, la malbouffe… et leurs évolutions sur quasiment un demi-siècle.

« Nous sommes tous trop riches et nous consommons beaucoup trop de choses », observait le photographe début novembre dans une interview à l'AFP, à l'occasion de la sortie de son autobiographie visuelle avec 150 clichés, baptisée « Complètement paresseux et étourdi » (Michel Lafon). 

Grand collectionneur d'objets insolites et de livres de photos, il a publié plus de 120 livres et possède un fonds d'archives de plus de 50 000 images, dont beaucoup sont archivées dans sa fondation à Bristol.

Il sera à partir du 30 janvier au centre d'une rétrospective, « Global Warning », au musée du Jeu de Paume, à Paris.

 

Bibliographie :

À paraître :

  • Le mélange des genres : entretien avec Quentin Bajac, de Martin Parr et Quentin Bajac (Textuel), à paraître le 14 janvier 2026 : Cet entretien et les photographies qui l'accompagnent permettent de découvrir le regard de Martin Parr sur la société britannique, le tourisme, les loisirs de masse et la consommation dans le monde. Il aborde aussi ses années d'apprentissage, ses techniques, la dimension critique de son travail, sa pratique de la presse, de la mode, de la publicité ainsi que son expérience au sein de l'agence Magnum.

 

  • Martin Parr Grand Hotel Parr, de Martin Parr (RM editorial), à paraître le 15 janvier 2026. Livre en anglais. Résumé non disponible.

 

  • 2 for 1 : memory game, de Martin Parr (Pyramyd éditions), à paraître le 23 janvier 2026 : Un jeu de memory composé de 25 photographies de Martin Parr. Chaque image est divisée en deux parties. Les joueurs doivent retourner deux cartes et mémoriser leur emplacement afin de reformer les clichés dans leur intégralité et de gagner la partie.

 

Parus :

  • Martin Parr : en mots et en images, de Martin Parr (Michel Lafon) paru le 18 septembre 2025 : Une autobiographie visuelle dans laquelle le photographe britannique se dévoile à travers plus de 150 clichés, de ses premières prises de vue à ses œuvres emblématiques. Chaque image est accompagnée de ses souvenirs et réflexions.

 

  • Waouh !, de Martin Parr (Ed.des Grandes personnes), paru le 26 juin 2025 : Un imagier qui présente des photographies drôles, étonnantes voire étranges.

 

  • Early works, de Martin Parr (Maison CF), paru le 14 mai 2025 : Recueil de l'ensemble des photographies en noir et blanc du photographe britannique, réalisées essentiellement dans les années 1970 alors que Martin Parr a une vingtaine d'années. Ces clichés témoignent déjà de la dimension espiègle de son art alors qu'il montre une Angleterre surannée.

 

  • Déjà view, (Textuel) paru le 2 octobre 2024 : Une mise en parallèle de deux corpus photographiques, d'un côté des photos du britannique Martin Parr, de l'autre des diapositives d'anonymes issues de la collection de The anonymous project, prises entre 1950 et 1980. Leur similitude souligne le pouvoir de la photographie.

 

  • Fashion faux Parr, de Martin Parr (Phaidon), paru le 18 avril 2024 : Trois décennies de photographie de mode sont retracées à travers 250 images, la plupart inédites, collaborations de Martin Parr avec de grands magazines et de prestigieuses maisons de couture, prises sur le vif de défilés ou portraits d'icônes. Deux textes rédigés par des personnalités de l'industrie de la mode décryptent le regard unique du photographe et le situent dans un contexte plus large.

 

  • United Kingdom, de Martin Parr (Louis Vuitton) paru le 5 avril 2024 : Des photographies qui dépeignent la culture britannique, dont une série sur le couronnement du roi Charles III en mai 2023, dans laquelle artin Parr s'intéresse au dépassement des conventions surannées et à ce que cet événement fait émerger.

 

  • Les Anglais The English, Catalogue de l’Exposition de la Fondation Henri Cartier-Bresson du 8 novembre 2022 au 12 février 2023 (Delpire), paru le 3 novembre 2022 : En 1962, H. Cartier-Bresson réalise un documentaire pour une chaîne de télévision britannique dans le nord de l'Angleterre. Il photographie les Anglais dans leur travail et leurs loisirs. Martin Parr est un photographe controversé en raison de ses représentations de la classe moyenne anglaise. Les visions de ces deux artistes présentent des similitudes que révèle leur rapprochement.

 

  • A year in the life of Chew Stoke village, de Martin Parr (Maison CF), paru le 22 septembre 2022 : En 1992, le photographe Martin Parr s'immerge durant un an en compagnie de l'écrivain R. Chesshyre dans le petit village de Chew Stoke, dont ils dépeignent le quotidien des habitants : l'école, la police, le bar, Noël, les événements sportifs, le concours de marmelade, les travaux agricoles, la décoration intérieure des maisons ou encore les jardins.

 

  • Signes des temps, de Martin Parr et Nicholas Barker (Textuel), paru le 12 octobre 2006 : Réalisé dans le cadre d'une série d'émissions programmées par la BBC en 1992, ce livre présente des intérieurs de la middle-class anglaise, à la fin des années 1980, restituant les débuts en couleur du photographe Martin Parr, fasciné par le quotidien.

 

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