6 avril > Roman France > Elie Treese

Certains livres, ceux qui persistent à faire sortir la marquise à cinq heures, sont plus faciles à résumer que d’autres. Elie Treese, lui, de livre en livre, se soucie aussi peu des horaires que des personnages. Son affaire à lui, c’est le mystère, l’indécision du monde, le style comme outil non pas de dévoilement, mais d’opacification du réel. Dans L’ombre couvre leurs yeux, son troisième roman, il porte à son pinacle cette esthétique du "secret magnifique" où Faulkner apparaît comme un maître tutélaire (après tout, Treese n’est-il pas un peu américain, fils d’un guitariste et banjoïste d’outre-Atlantique), mais aussi le Louis-René des Forêts du Bavard.

Résumons. En un pays jamais nommé (on dirait le sud…), une jeune femme s’entretient avec un vieil homme. Il est d’abord question de deux solitudes, mais aussi plus prosaïquement, même si de manière plus ou moins périphérique, d’un drame survenu longtemps auparavant, la disparition d’une famille entière, les Monte Cassino, dans l’incendie de leur propriété familiale. Il s’agit aussi d’un tableau disparu, spolié pendant la guerre à ses propriétaires juifs, du fils aîné de cette famille, qui avant même l’incendie ne donna plus signe de vie, de diverses convoitises et de regrets. Que cherche l’une, que cache l’autre ? Peu importe, la vérité n’est jamais qu’une fausse piste supplémentaire…

Il y a une vraie audace dans le radicalisme narratif d’Elie Treese, qui revisite quelques épisodes de L’iliade. Son souffle poétique se nourrit de l’écho assourdi de l’épopée. Ce qui règne ici finalement, c’est la mort et la folie, leurs sombres éclats à jamais mélangés, leurs eaux mêlées. Olivier Mony

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