C’est sous sa forme définitive et un peu monumentale que ce Grand atlas, organisé en triptyque - "Premières colonisations", "Empires coloniaux", "Décolonisations" - trouve aujourd’hui tout son sens. On peut y suivre le fait colonial - dont les origines attestées remontent à la plus haute Antiquité, avec les Egyptiens colonisant le Pays de Pount, sans doute l’actuelle Ethiopie, pour s’en approprier les richesses naturelles - de ses débuts à nos jours, à travers ses différents processus et toutes ses destinations (Afrique, Amériques, Asie…), et jusqu’à ses conséquences les plus brûlantes.
Pour l’époque moderne, l’histoire commence, symboliquement, en 1420, quand Henri le Navigateur, frère du roi Henrique du Portugal, lance son pays dans une grande politique navale et expansionniste, créant un premier comptoir à Ceuta, au Maroc. Quant à son terme, nous n’y sommes pas, tout au contraire : la plupart des conflits qui secouent la planète, en Afrique et au Moyen-Orient surtout, résultent encore de la colonisation européenne systématisée à partir du milieu du XIXe siècle. Les fanatiques de Daech, quelque part, luttent toujours contre les missionnaires qui accompagnaient les conquistadores.
Car le grand basculement du fait colonial se produit lorsque les colonisateurs, non contents d’établir des comptoirs de commerce sur les côtes, se mettent à explorer l’intérieur des continents, à se les approprier, à les organiser en principautés, en pays, à se les partager entre puissances rivales, à en asservir les peuples. Et souvent à vouloir les convertir au christianisme.
Le Grand atlas s’achève en 2005, avec les émeutes urbaines en France, où une jeunesse majoritairement issue d’immigrés des anciennes colonies françaises (Maghreb, Afrique subsaharienne), désocialisée, frappée de plein fouet par la crise, parquée dans ses cités de banlieue, mal intégrée, s’est placée en marge de l’Etat français et attaquée à des symboles. Un terreau idéal pour la radicalisation islamiste.
L’ouvrage, avec toutes ses cartes et ses graphiques, est clair, précis, pédagogique, et peut se lire de façon diachronique ou synchronique. J.-C. P.