En ce temps-là, l’usine à rêves était d’abord une usine. Sur une colline de Los Angeles, des commerçants juifs d’Europe centrale, des artisans italiens, quelques piliers de comptoir irlandais, la grande internationale des crève-la-faim, inventaient un truc qui allait changer le monde et épouser son siècle. Hollywood. Et déjà, des échafaudages jaillissent des décors, des studios. Des écrans surgissaient des visages. Comme celui de Mary Pickford. Etoile pâle pour un septième art naissant. Femme forte aussi qui, avec deux autres stars, son mari et alter ego Douglas Fairbanks, et Charlie Chaplin, fonda les studios United Artists.
Durant ses années de gloire, lorsque le cinéma se taisait, elle ne croisa jamais qu’une femme aussi puissante qu’elle. Elle s’appelait Frances Marion, et fut l’une des plus célèbres scénaristes (l’une des seules, aussi…) de cet âge d’or d’Hollywood. Les deux femmes furent amies, autant qu’il était possible de l’être dans le désordre de ces temps et de ce lieu.
L’amitié de Mary et Frances est au cœur du nouveau roman de Melanie Benjamin, Hollywood Boulevard (titre un peu plat auquel on préférera l’original, The girls in the picture).
Tous les lecteurs qui l’ont découverte avec Les cygnes de la Cinquième Avenue (Albin Michel, 2017, réédité ces jours-ci au Livre de poche), délicieusement doux-amer, ou même avec La femme de l’aviateur (Michel Lafon, 2014) savent combien Melanie Benjamin est virtuose dès lors qu’il s’agit de transcrire les intermittences du cœur féminin. Rien ici ne sonne faux. Aucune scène, aucun fantôme. Olivier Mony