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Des ventes de Noël chahutées

Librairie Albin Michel, décorée à l'occasion des fêtes, boulevard Saint-Germain, à Paris. - Photo OLIVIER DION

Des ventes de Noël chahutées

Perturbée par les manifestations des "gilets jaunes", la saison des fêtes a produit en librairie des résultats commerciaux contrastés au terme d'une année 2018 compliquée. _ par Clarisse Normand

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Par Clarisse Normand
Créé le 11.01.2019 à 12h15

Libraire qui rit, libraire qui pleure?: « la fin d'année a été très contrastée dans nos librairies, observe Yannick Burtin, qui en possède trois à Paris - Le Merle moqueur (20e arrondissement), Le Gai Rossignol et La Mouette rieuse (4e). Notre librairie du 20e a fini décembre sur une hausse de 4 % tandis que celles du 4e affichent un recul de 11 %. » D'un bout à l'autre de l'Hexagone, les manifestations des « gilets jaunes » ont eu un impact très variable sur les ventes de livres en fin d'année, suivant la localisation des magasins. Certains ont dû fermer leurs portes durant les samedis de mobilisation ou étaient désertés par leurs clients dissuadés de se déplacer. D'autres ont bénéficié d'un report des achats vers les commerces de proximité.

Achats tardifs

A Paris (8e), Fontaine Haussmann a non seulement dû fermer ses portes mais a aussi vu sa vitrine démolie lors de la manifestation du 8 décembre. « Les trois premiers samedis de décembre ont été catastrophiques, observe son propriétaire, Philippe Aubier. Toutefois, grâce au soutien que nous ont manifesté les clients en venant les jours de semaine, notre activité affiche un recul moins marqué que prévu, de - 6 %. » A Bordeaux, ville très touchée par les manifestations, Hélène des Ligneris (La Machine à lire) observe que ses ventes ont été affectées « cinq samedis de suite, mais decrescendo. Les ventes réalisées en semaine et le dimanche ont presque permis de rééquilibrer l'activité. » Chez Mollat, première librairie de la ville, la directrice projets et qualité, Emmanuelle Robillard, enregistre quand même un repli de 3 % des ventes au comptant et de 20 % de celles aux collectivités. « Les bibliothécaires qui liquident en fin d'année ce qui reste de leur budget d'achat ne sont pas venus. Seul notre site Internet a bien fonctionné jusqu'au 20 décembre. »

A Strasbourg, l'activité a moins souffert des « gilets jaunes » que de l'attentat perpétré le 11 décembre sur le marché de Noël. « Il y a eu quelques journées mortifères où tout s'est arrêté, observe Arnaud Velasquez (Quai des brumes). Puis la vie a repris et les journées du 22 au 24 ont été délirantes. Résultat, nous affichons une hausse de 4 % sur le mois. » Chez Kléber, située à proximité du marché de Noël, le directeur Eric Kribs évoque une semaine 50 catastrophique sur un plan économique et psychologique avec, au global sur décembre, une baisse de 1,8 %. A Arles, ville également très frappée par les manifestations, « les achats de Noël n'ont démarré que le 20 décembre chez nous, indique Emilie Pautus (Les Grandeurs Largeurs). En revanche les points relais accueillant les commandes en ligne débordaient de cartons?! »

Les manifestations n'ont cependant pas pénalisé toutes les librairies. A Paris, Xavier Moni (Comme un roman) revendique « un excellent mois de décembre avec une hausse de 14 %, probablement liée au report de la clientèle des grands magasins vers les commerces de proximité. » A Salon-de-Provence, Marianne Ferrer (Le Grenier d'abondance) estime aussi avoir été avantagée?: « Les "gilets jaunes" ont empêché une évasion des clients hors de la ville, notamment vers Cultura. » A Talence, près de Bordeaux, Cécile Bory se réjouit de la hausse de 18 % de son activité en décembre?: « Nous avons bénéficié à la fois des perturbations du centre-ville de Bordeaux et de l'ouverture, attendue depuis un an, d'une halle de 15 commerces de bouche située près de la librairie. » Enfin, à Lannion, « l'activité de Gwalarn a profité des vacanciers qui ont fait leurs achats en province le dernier week-end et le lundi précédent Noël, observe Laurent Disenmeyer. Avec ce calendrier favorable et une journée supplémentaire pour faire ses achats, nous finissons décembre à + 1,3 %. »

Un bilan meilleur que redouté

Après un début de mois très perturbé, décembre s'est ainsi achevé, dans les librairies indépendantes, sur un bilan meilleur que redouté. Sur la base des données des 200 librairies adhérentes à son Observatoire de la librairie, le Syndicat de la librairie française annonce même une hausse de 0,8 % des ventes au comptant. Les grandes surfaces culturelles se montrent plus discrètes. Tout juste la chaîne Cultura annonce-t-elle, par la voix de Jean-Luc Treutenaère, chargé de la communication, qu'elle « a réussi à rattraper son retard des deux premières semaines ». Si tout laisse à penser que les hypermarchés ont continué à souffrir en décembre, le commerce en ligne n'aurait pas, pour sa part, profité autant qu'on pouvait l'imaginer des manifestations. Selon la Fevad (Fédération de la vente à distance), ses adhérents ne font pas apparaître de report significatif des ventes magasin vers la Toile.

Compliqué, le mois de décembre s'inscrit dans la continuité d'une année qui aura été difficile, avec la canicule, la Coupe du monde de football et une rentrée littéraire d'automne boudée par les clients. D'après nos données Livres Hebdo/I+C, les ventes de livres ont reculé de 1,8 % pour les onze premiers mois de l'année (le bilan annuel sera connu fin janvier). En revanche, 2019 débute en fanfare avec le lancement de Sérotonine. En tête des ventes de livres, le nouveau roman de Michel Houellebecq s'est écoulé, d'après GFK, à 90?000 exemplaires sur ses trois premiers jours de vente, entre le 4 et le 6 janvier.

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