Trophées de l'édition 2025

Delphine Ernotte : « La littérature fait partie de ma vie et des missions de France Télévisions »

Delphine Ernotte Cunci, présidente de France Télévisions - Photo Delphine Ghosarossian

Delphine Ernotte : « La littérature fait partie de ma vie et des missions de France Télévisions »

La présidente de France Télévisions Delphine Ernotte Cunci a accepté de présider le jury des sixièmes Trophées de l’édition de Livres Hebdo, placés sous le signe des « Enfants du livre » qui se dérouleront le 7 avril prochain à l’Odéon – Théâtre de l’Europe. Elle nous parle de son goût pour la lecture et les livres. Ainsi que de leur place sur les chaînes de son groupe.

J’achète l’article 1.5 €

Par Jacques Braunstein
Créé le 03.12.2024 à 17h53

Livres Hebdo : Quelle lectrice êtes-vous ?

Delphine Ernotte : Je lis tous les jours, principalement des romans, a minima une fois par jour. La lecture fait partie de ma vie quotidienne, je ne peux pas m’endormir si je ne lis pas. Il me faut un temps minimal de lecture dans ma vie. Et je lis aussi la presse, mais peut-on appeler ça de la lecture ? Il y a certains livres que je relis. C’est très classique, pas très original. Celui que j’ai le plus lu est Madame Bovary, de Gustave Flaubert. Mais il y a aussi La nuit sera calme de Romain Gary et Les nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. Et La coupe d’Or d’Henry James. C’est un livre que j’ai commencé en anglais. Je lis beaucoup en anglais quand ce n’est pas trop complexe, qu’il n’y a pas trop d’argot… L’anglais classique, je préfère le lire dans la langue originale. Là je lis les quatre premières pages, je ne comprends rien. Je vais acheter la traduction, je lis les quatre premières pages, je ne comprends rien non plus. Ce n’est pas une question de langue. Il faut s’accrocher, continuer et c’est magnifique : le royaume de l’understatement et du non-dit. Tout est clair et rien n’est dit. Une tension dans les sentiments, contournés, suggérés, c’est magnifique et fascinant.

Lisez-vous également des romans plus récents ?

Oui, par exemple Americanah et les autres romans de Chimamanda Ngozi Adichie, comme Notes sur le chagrin, un court texte sur la mort de son père, m’ont beaucoup impressionnée. Parmi les chocs récentsTrust de Hernan Diaz, que j’ai adoré. Et aussi Jacaranda de Gaël Faye, où j’ai retrouvé l’ambiance que j’avais aimé dans Petit Pays. J’ai également commencé Colson Whitehead. Notre équipe était au États-Unis pour les élections, et c’est l’un des auteurs préférés d’Anne-Sophie Lapix, qui l’a interviewé… J’ai donc attaqué Underground Railroad, son Pulitzer, mais je n’en ai lu que 50 pages pour l’instant.

Il y a parfois une forme d’incompréhension entre le monde de la télé et celui du livre. Le premier insistant sur les adaptations qu’il diffuse, les auteurs invités dans les émissions d’actualité… Et le second réclamant des émissions directement consacrées au livre.

France Télévisions est le seul groupe de télévision dans le monde à avoir une émission littéraire en prime time. En Europe, c’est sûr et dans le monde, sans doute. La Grande librairie, l’émission d’Augustin Trapenard, toutes les semaines sur France 5, est d’ailleurs très prescriptrice. Et il faut lui ajouter La Petite librairie de François Busnel, tous les jours sur France 2. Tout comme la quotidienne C à vous sur France 5 ou Quelle époque, l’émission de Léa Salamé, le samedi sur France 2, qui invitent des auteurs de romans mais aussi d’essais et de documents.

« Le livre est présent tout le temps sur nos antennes, cela fait partie de nos missions »

Laurent Delahousse reçoit également des écrivains à 20h30 les samedis et dimanches. Et Télématin dispose d’une rubrique livre régulière, présentée par Olivia de Lamberterie que j’aime beaucoup en tant que critique et à qui je demande des conseils à titre personnel. On a quand même beaucoup de points de rencontre entre les écrivains et les téléspectateurs. Le livre est présent tout le temps sur nos antennes, cela fait partie de nos missions et c’est quelque chose qu’on porte avec beaucoup de conviction et de ferveur. C’est important pour nos téléspectateurs, c’est important pour nous. D’où le bonheur et le plaisir à être présidente des Trophées de l’édition cette année.

C’est utile pour vous de rencontrer des éditeurs, pour les adaptations notamment ? La dernière fois que vous nous aviez reçus, il y avait la rentrée des éditions de l’Observatoire dans les bibliothèques de cette salle de réunion et cette fois c’est la rentrée Calmann-Lévy.

Nous sommes en contact avec des éditeurs, c’est toujours agréable d’ailleurs. Quand on reçoit un auteur, son éditeur l’accompagne souvent, nous avons des discussions. Et nous essayons de ne pas privilégier tel ou tel, de trouver une forme d’équilibre. De laisser également Augustin Trapenard et les autres animateurs suivre leur feeling. Et oui, ils apportent leur rentrée, c’est sympa. Je ne lis pas tout, mais je pique dedans.

Après quelques années à France Télévisions, lit-on en pensant « adaptation » ?

Non, en revanche, je me dis parfois « cet écrivain écrit un scénario plus qu’un roman. » Mais je ne vous dévoilerais pas lesquels. Le choix des grandes sagas se fait avec Anne Holmes, la patronne de la fiction.

« J’adore Thérèse Desqueyroux de François Mauriac, que je relis toujours régulièrement »

Par exemple, nous avions pensé aux Rougon-Macquart, c’était compliqué et peut-être un peu passé de mode. J’aime beaucoup Le Quatuor d’Alexandrie, mais ce n’est pas un auteur français, ce qui complique un peu les choses. C’est ainsi qu’on a pensé à Fortune de France de Robert Merle. On n’a pas adapté les treize tomes, mais déjà les premiers.

Est-ce que la lecture, à un moment donné, a changé votre vie ?

Je me souviens quand j’ai découvert le plaisir de la littérature, c’est encore très vif. Je venais d’avoir 11 ans et je faisais le désespoir de mes parents parce que je lisais des BD et pas de romans. J’étais dans un pays dont je parlais très peu la langue et j’avais emporté trois livres… Je m’ennuyais beaucoup, je me sentais perdue loin de chez moi, loin de ma langue, et j’avais le mal du pays. Et je me suis mise à lire ces livres et je n’ai jamais arrêté. Et comme je n’en avais que trois, à la fin des quinze jours, j’ai commencé à les relire et même à apprendre par cœur Thérèse Desqueyroux de François Mauriac. J’adore ce livre que je relis toujours régulièrement.

Lorsque vous dirigiez Orange, vous étiez administratrice du lieu d’art Le Centquatre-Paris. Vous semblez avoir toujours été une ingénieure tournée vers la culture ?

Les maths et la littérature sont deux univers qui ont tout autant d’importance dans ma vie. Certains ingénieurs lisent beaucoup, d’autres pas du tout. Les études que l’on fait ne déterminent pas qui l’on est. C’est aussi pour cela que j’ai candidaté à France Télévisions, une manière de réconcilier deux univers qui ne se parlent pas facilement.

« La séparation entre les maths et la littérature est assez factice »

La séparation entre les maths et la littérature est assez factice, c’est issu de la manière dont sont organisées les études. Les maths, c’est extrêmement poétique, très musical, imaginaire, on construit des univers très en dehors de la réalité. Cela a un lien avec la création, et la création littéraire en particulier.

Vous avez aussi monté une pièce de théâtre il y a une dizaine d’années…

J’ai même écrit la moitié de la pièce, et je l’ai mise en scène. C’était une commande du théâtre de la Halle aux grains de Blois, et elle a tourné trois ans, ce dont je suis assez fière. Il faut beaucoup de temps pour écrire du théâtre, j’ai eu une autre idée de pièce, il n’y a pas longtemps… Alors peut-être plus tard.

Avez-vous un ou une libraire habituelle ?

J’avoue que je reçois beaucoup de livres et que mes proches m’en offrent beaucoup. Je les échange. J’aime bien quand ça circule, que ça tourne, je ne suis pas fétichiste des livres. À part quelques-uns, je passe volontiers mes bouquins. Mais j’avoue que j’en lis aussi beaucoup sur mon iPad, parce que le fait de lire une critique qui donne envie de lire un livre et deux secondes après pouvoir démarré sa lecture, c’est quelque chose dont je ne suis pas encore revenue. À chaque fois que je le fais, je me dis « c’est quand même génial ». Même si ce n’est pas la même chose de lire sur papier que de lire sur Kindle. J’alterne et je préfère quand même lire sur papier. Et j’adore les conseils de libraires. C’est très personnel, on peut être très proche de quelqu’un et ne pas du tout avoir les mêmes goûts littéraires. Une fois qu’on a trouvé un libraire avec lequel on s’entend, c’est extrêmement précieux. J’ai toujours deux ou trois bouquins d’avance mais je suis stressée de ne plus avoir rien à lire. Alors j’en prends une cargaison quand je vais à la librairie.

 

Le jury des Trophées de l'édition 2025

Les dernières
actualités