15 mars > Premier roman France > Sabyl Ghoussoub

Aleph, le narrateur du premier roman de Sabyl Ghoussoub, est arabe. D’origine libanaise, ses parents chrétiens se sont exilés à Paris en 1975, mais son malheur depuis l’enfance, c’est qu’il peut ressembler à tout le monde. "J’avais une tête de Juif, d’islamiste, de Portugais, d’Iranien et de con. J’avais un gros nez, une tête de footballeur brésilien et de fils à papa saoudien milliardaire. Je n’avais pas une tête de Français, ni d’Allemand. J’avais une tête de Turc et aussi d’Arménien. J’avais une tête de loubard sicilien." Les sous-entendus malveillants liés à son physique ont commencé petit quand sa mère lui a dit qu’il avait Le nez juif et que ça n’avait rien d’un compliment. Jugé "moche" par sa génitrice, coincé entre toutes ces identités, la plus contradictoire et problématique étant d’être un Arabe qu’on prend pour un Juif, c’est peu dire que le garçon se cherche. Lui n’a qu’un but : "plaire à tout le monde". Scolarisé adolescent dans des établissements privés catholiques où il est le "seul bougnoule de l’école", puis familier des boîtes parisiennes en "petit voyou de la bourgeoisie", il est successivement (ou simultanément) DJ, étudiant en droit, apprenti comédien. Dans le désordre, il va retourner vivre au Liban où la famille venait passer l’été chez l’oncle Elias, "de gauche, pro-palestinien et laïc", s’emballer pour le Hezbollah après la guerre de 2006 au Sud-Liban, s’improviser réalisateur pour séduire une illustratrice qui vit entre Beyrouth et New York, raconter à une Stambouliote à Paris qu’il est dans les services secrets iraniens, essayer de postuler au Mossad, tenter de produire des documentaires, s’amouracher de la chanteuse d’un groupe israélien qui chante en arabe… Se faire beaucoup de films en rêvant de réconciliation.

Le profil du primo-romancier Sabyl Ghoussoub, 30 ans, photographe, chroniqueur pour la presse - il tient sur le site de Libération un blog à quatre mains, "En attendant la guerre", avec la journaliste israélienne Laura Schwartz -, directeur du Festival du film libanais de 2011 à 2015, ressemble beaucoup à celui de son héros. Sous un ton léger, une autodérision qui monte en gravité dans la dernière partie, Le nez juif pose des questions très compliquées, avec un humour à la fois sensible et sans complexe. V. R.

09.03 2018

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