Bande dessinée

Delcourt, Happy building

©Olivier Dion

Delcourt, Happy building

Les équipes parisiennes du groupe de bande dessinée emménagent lundi 28 avril près de la place de la République, dans le 10e arrondissement de la capitale, dans un immeuble deux fois plus spacieux que le précédent. Une opération rendue nécessaire par la croissance de l’entreprise, mais à travers laquelle le P-DG, Guy Delcourt, veut aussi manifester un "virage stratégique".

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Par Fabrice Piault
Créé le 30.04.2014 à 00h02 ,
Mis à jour le 30.04.2014 à 14h29

Ce week-end, Delcourt déménage, et plus encore. L’éditeur de bande dessinée quitte ce vendredi 25 avril son petit hôtel particulier charmant mais biscornu de l’ouest du 10e arrondissement de Paris. Lundi 28, c’est le groupe Delcourt dans son ensemble qui s’installe dans un ancien immeuble industriel racheté fin 2012 à la mutuelle du Trésor, quelques centaines de mètres plus à l’est, près de la place de la République, et entièrement rénové et réaménagé. Sur une surface doublée, de 750 à 1 500 m2, le nouveau siège, au 8, rue Léon-Jouhaux, va accueillir non seulement les 48 salariés des éditions Delcourt, mais aussi ceux de Tonkam et l’équipe parisienne de la filiale Soleil (dont 29 collaborateurs demeurent installés à Toulon), rachetée en 2011, soit au total 75 personnes. Seuls les 15 salariés de la filiale de diffusion Delsol, qui travaille non seulement pour les éditeurs du groupe, mais aussi pour des éditeurs tiers au premier rang desquels Bamboo, Panini, Kazé, Gallimard BD et Futuropolis, conserveront leurs locaux distincts rue du Faubourg-Saint-Denis.

 

De 50 à 1 500 m

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Pour le P-DG, Guy Delcourt, formé à l’Essec et qui, après avoir travaillé chez Dargaud, a créé son entreprise en 1986 dans son propre appartement, c’est le cinquième déménagement. Après son installation en 1988, lors de l’embauche de son premier salarié, dans 50 m2 rue Quincampoix, sa maison est successivement passée rue des Martyrs (1990, 300 m2) et passage du Mont-Cenis (1996, 400 m2) avant de s’installer rue d’Hauteville en 2000. Entre-temps, l’entreprise n’a cessé de croître, se constituant un vivier d’auteurs en puisant parmi les meilleurs étudiants en BD de l’école des beaux-arts d’Angoulême (1988) ; affirmant sa volonté expérimentale en publiant Marc-Antoine Mathieu (L’origine, 1991) ; se développant dans la BD de fantasy et de science-fiction avec les collections "Terres de légendes" et "Neopolis" (1993) ; initiant dans des genres différents des séries à succès comme Sillage de Morvan et Buchet, ou Donjon de Sfar et Trondheim (1998) ; lançant sous la direction de Lewis Trondheim la collection "Shampooing" (2005) ou la collection d’adaptation en BD de classiques de la littérature "Ex-Libris" (2007). La maison, distribuée par Hachette depuis 2004, s’ouvre successivement à la BD jeunesse (1996), aux comics (1999) et aux mangas (2002). Elle rachète en parallèle Tonkam, le petit catalogue BD de Robert Laffont et Soleil (voir chronologie page suivante), et s’associe à l’école Brassart pour créer l’Académie Brassart Delcourt, nouvelle école de bande dessinée parisienne (1). Elle engrange les succès (Happy sex de Zep, Les légendaires de Patrick Sobral, Walking dead, Les blagues de Toto de Thierry Coppée, adapté en dessin animé…) comme les prix : prix du Meilleur album à Angoulême pour Jimmy Corrigan de Chris Ware (2003) ; quatre prix dont le grand prix de la Critique de l’ACBD pour Les mauvaises gens d’Etienne Davodeau (2006) ; Fauve d’or du Meilleur album à Angoulême pour Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (2012), et encore quatre Fauves à Angoulême 2014, entre autres récompenses.

 

Le nouveau transfert répond d’abord à une nécessité "pratique et pragmatique". "Il fallait faire face à notre croissance interne et externe, explique Guy Delcourt. Les éditions Delcourt étaient si à l’étroit que nous avions dû installer le service des droits dans d’autres locaux et que nous n’avions pas la place pour intégrer l’équipe de Tonkam et le bureau parisien de Soleil." Mais pour le P-DG du groupe qui pointe au 18e rang du classement Livre Hebdo de l’édition française (2), deuxième acteur du secteur de la BD en France derrière Média-Participations (Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Kana) et devant Glénat, le déménagement est aussi l’occasion d’un "virage stratégique". Il s’agit pour Guy Delcourt de "créer une interaction entre les services et d’accompagner la restructuration par une réflexion sur le management général de l’entreprise", qui se traduit dans différents domaines.

 

En ordre de bataille.

Dans le manga, où Tonkam a été défilialisé pour s’intégrer à Delcourt, le groupe entend "rationaliser et homogénéiser les méthodes de travail des trois marques Soleil Manga, Tonkam et Delcourt-Akata ; se mettre en ordre de bataille pour redévelopper ce secteur en difficulté", indique son P-DG, qui a confié à Iker Bilbao (Soleil Manga) une "mission ponctuelle de coordination transversale". Delsol est désormais dirigé par son directeur commercial, Gilles Munich. Les services de presse de Delcourt et de Soleil vont être regroupés en une seule entité pour laquelle une directrice sera annoncée en mai. Juliette Mathieu, qui dirigeait déjà les droits audiovisuels de Delcourt et de Soleil, va désormais diriger l’ensemble des droits, étrangers et dérivés, pour tout le groupe. "Nous ne devons pas nous priver de coopérations renforcées au sein du groupe", plaide Guy Delcourt. Et d’ajouter : "J’avais jusqu’ici 22 personnes qui m’étaient directement rattachées : ce n’est pas sérieux !"

 

"Pièce maîtresse" du nouveau dispositif, Patrice Margotin, ex-directeur général de Futuropolis recruté comme directeur général du groupe Delcourt (3), prendra ses nouvelles fonctions le 5 mai. "C’est quelqu’un qui aura le même champ de vision que moi pour échanger sur le fonctionnement du groupe et plus encore sur son développement et sa stratégie", détaille le P-DG, pour qui le déménagement doit manifester une "régénération". Dans les nouveaux locaux, "il y aura des effets de côtoiement, prévoit-il. Tout l’enjeu est de préserver l’identité de chaque marque tout en stimulant l’échange et le travail collectif."

Pour relever le défi, l’éditeur de Happy sex, Happy girls et Happy rock a ainsi conçu rue Léon-Jouhaux, sur six niveaux, une sorte de "happy building", dont le hall d’accueil inclut une installation originale du dessinateur maison et scénographe Marc-Antoine Mathieu, "en forme de déclaration", dit Guy Delcourt, qui sera dévoilée lundi 28 . Les salariés, qui ont pu poser des questions sur un intranet au cours du chantier et rencontrer l’architecte, recevront ce jour-là un livret d’accueil, incluant de multiples conseils pratiques pour s’intégrer à leur quartier. Le nouveau siège est "notre point d’ancrage pour un certain temps, souligne le P-DG. J’ai envie que la qualité soit là et qu’on s’y sente bien".

Le sous-sol, où sont prévus des espaces de stockage, sera dédié à une vaste cuisine-salle à manger-salon. Au rez-de-chaussée, à côté du fameux hall, seront installés le service des droits, l’informatique, les expéditions et la manutention ainsi qu’une salle de réunion. Le premier étage accueillera à la fois l’administration et la comptabilité, une grande salle de réunion (64 m2) modulaire et polyvalente, et un espace de travail original, à la fois lounge, lieu de rencontre et bureau de passage. Le marketing et la communication de Delcourt ainsi que le community management partageront le deuxième étage avec l’équipe dédiée à l’événementiel pour Delcourt et pour Soleil, et avec les équipes chargées des trois marques de manga, qui se côtoieront dans un environnement commun. L’éditorial et le graphisme de Soleil occuperont le troisième étage, de même que le service de presse du groupe, le studio graphique de Delcourt, Trait pour trait, et la fabrication de Delcourt. Enfin, au quatrième, s’installeront l’éditorial Delcourt (BD et Comics), les bureaux communicants du P-DG et du DG, et celui de leur assistante commune, une salle de réunion et… une terrasse. Happy building, on vous dit !

(1) Voir LH 983, du 31.1.2014, p. 55.

(2) Voir LH 969, du 11.10.2013, pp. 14-22.

(3) Voir LH 989, du 14.3.2014, p. 51.

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