Qu'on se rassure, le nouvel album du Grand Prix d'Angoulême 1997 est bien une bande dessinée, et elle fait rire. Mais avec La porte de l'univers, Daniel Goossens signe aussi un livre initiatique, sinon pratique. Presque un manuel, un vade-mecum de l'humour : théorie et pratique.

Parlons d'abord de la théorie, même s'il ne la déploie qu'à la fin de son livre. Car dans sa postface de six pages que couvre un texte dense, l'auteur depuis 1980 d'une grosse vingtaine d'albums relevant tous de ce genre difficile, dévoile les grandes lignes de sa méthode, c'est-à-dire de son art. Et il le fait en explicitant le comportement, les actes et les procédés que son antihéros, Robert Cognard, un vieux comique en rupture de gags, déroule dans le corps de l'album.

« Tous les humours se moquent de quelque chose, et c'est leur seul impact », postule Daniel Goossens. Et de souligner que « selon cette hypothèse, au lieu de s'interroger sur le mystère de l'inspiration, il est plus simple de se demander de quoi on se moque, quelle est la cible ». L'auteur de bandes dessinées humoristiques n'entend toutefois crier haro sur le baudet, car il « n'aime pas que le héros comique soit le seul imbécile absurde et que le reste du monde reste normal ».

Démonstration et travaux pratiques dans les planches qui précèdent, les aventures en douze chapitres de Robert Cognard à la recherche d'un nouveau souffle comique. Si pathétique soit-il, cet humoriste professionnel l'est peut-être moins que son producteur à gros cigare, son épouse vénale et... ses propres confrères soi-disant en verve. D'autant que, dans ses efforts désespérés pour ne pas quitter la scène, il affiche, lui, une belle énergie.

Du salon du rire au café du coin, des tribunaux où Robert Cognard plaide sa cause, à l'armée et au cachot, jusque dans une fusée, Daniel Goossens promène son personnage dans l'absurdité du monde, multipliant les références et les clins d'œil historiques et artistiques. Comme les acteurs de cinéma- Robert Mitchum, Jean Dujardin...-, qui prêtent leur visage à des personnages secondaires, les héros de bande dessinée- Corto Maltese, Tintin...- n'échappent pas à la moulinette de l'auteur. C'est drôle. C'est intelligent aussi.