Robert Muchembled avoue avoir fréquenté beaucoup de femmes ! Dans les archives… Grand historien des mentalités, professeur émérite à Paris-13, auteur de nombreux travaux de référence sur la sorcellerie et la culture populaire, il constate qu’il a rencontré au fil des siècles beaucoup de dames moins opprimées qu’il n’y paraît. Dans Insoumises, il nous présente son carnet de bal et dresse une typologie de ces Françaises qui surent faire diablement bien marcher les Français.
Ces formes de pouvoir, Robert Muchembled les débusque dans quatre milieux : le monde paysan, la Cour, les monastères avec ses nonnes possédées et l’univers bourgeois. Et cela du XVIe siècle à Brigitte Bardot, celle de Vadim dans Et Dieu… créa la femme. Il montre ainsi que l’Ancien Régime fut moins opposé à la puissance des femmes qu’on ne le croit. Quant à l’adultère, cette spécialité bourgeoise comme le gigot flageolets dominical, il explose après la Seconde Guerre mondiale sous le coup de la libération sexuelle, des minijupes et du rock’n’roll.
Pour l’auteur de L’orgasme et l’Occident (Points, 2008) et des Ripoux des Lumières (Seuil, 2011), la guerre des sexes n’a pas eu lieu. Ou tout au moins, pas de la manière dont on la relate habituellement. D’une plume savoureuse, l’historien met en évidence les stratégies de contournement du monde masculin et même la prise de pouvoir réel chez ces femmes qui ne s’en laissèrent pas conter et qui acquirent une véritable autorité à partir de la Renaissance, époque de grande liberté charnelle.
Des noms ? Marguerite de Valois, Catherine de Médicis ou Madame de Pompadour, qui s’adonnait au chocolat avant de s’occuper du roi. On retrouve cette dernière dans l’essai de Didier Nourrisson. L’auteur de Cigarette, histoire d’une allumeuse (Payot, 2010) et de Crus et cuites, histoire du buveur (Perrin, 2013) explore l’addiction et les excès chez ces femmes libérées et quelquefois libératrices. Le plaisir du savoir se double ici du sens de la formule quand il parle des « merveilleuses » de la Révolution qui « évacuent leur stress par leurs strass ». Cette relation à l’objet, à la consommation, aux excitants et aux hommes est au cœur de cette étude qui rappelle le rôle de Catherine de Médicis dans la diffusion du tabac en France.
La rébellion passe aussi par le refus de se soumettre aux sommations de la morale et de l’hygiénisme. Didier Nourrisson casse ainsi l’image de la femme excessive tout en valorisant ses excès, moins victime que maîtresse de ses désirs. Au fond, ces deux historiens démontent les mécanismes du sexe et du pouvoir décrits dans Femmes de Sollers…
Laurent Lemire