Pour la famille et les femmes
Le Tiers-lieu du Moulin, à Roques (Haute-Garonne), remporte le Prix Services offerts aux usagers, dans la catégorie des petites bibliothèques — qui desservent une commune de moins de 5000 âmes ou une intercommunalité de moins 25 000 habitants. A l’étage jeunesse, les réducteurs de toilettes s’adaptent aux petits fessiers, les lingettes près des tables à langer sont fournies, et on y trouve même des jouets.
La décoration est par ailleurs réalisée à partir de matériaux recyclés, comme des pots de yaourt et des chutes de papier peint. Ambiance écolo avec les plantes et les magazines sur la nature. Les usagers liront également des textes sur l’hygiène et les règles — les hommes compris, car les lieux sont mixtes.
Dans la catégorie grande bibliothèque, c’est la Bibliothèque Louise-Michel, à Paris, qui remporte le prix. Là aussi les parents sont servis, avec des pots bébés et un chauffe-biberon. Pour les femmes qui ont leurs règles, des protections périodiques sont en accès libre, récupérées grâce au don. La présence de lavabos dans chaque cabine permet d’utiliser facilement une cup. Quant aux technophiles qui pratiquent la lecture jusque sur le trône, un grand QR code les renvoie vers un article du blog de la médiathèque.
Déco insolite
Le Prix de l'Esthétique. À l'Atelier, la petite bibliothèque de Pechbonnieu, la fantaisie sert à interpeller le visiteur. Les murs sont parsemés d’anecdotes culturelles instructives et de pictogrammes qui invitent à méditer sur les discriminations contre les LGBT+. Les usagers peuvent se procurer serviettes hygiéniques, préservatifs et vêtements de rechange. Pratique : des porte-manteaux. Et une installation sonore qui génère de la musique pour préserver la pudeur — « en fonction de la puissance et de la taille de votre commission », détaille la médiathèque. Un autre dispositif sonore, à l’entrée, permet de laisser un message de dix secondes à l’usager suivant. C’est le « dictachiotte », outil de sociabilité certain.
Côté grande bibliothèque, le Prix de l’Esthétique revient à celle des Champs libres, à Rennes. Les toilettes de l’étage dédié à la musique ont été transformées par les usagers en « toilettes de bar », harmonieusement tapissées de graffitis et d’autocollants. Aux autres étages, des textes sensibilisent aux questions des toilettes dans l’espace public et de la précarité menstruelle — encore ici, des protections périodiques sont mises à disposition grâce au don. En projet : des énigmes et un jeu de piste.
Mais le meilleur Projet en cours est décerné à la bibliothèque universitaire de l’INSA Lyon, qui réfléchit avec des associations, des professionnels de santé et les étudiants sur l’équipement des petits coins. Intérêt d’une table à langer, gratuité ou non des préservatifs ou des protections menstruelles, pertinence d’avoir des toilettes non genrées… Ont déjà été fait : des rébus et affiches décalées qui font de la publicité sur la programmation de la bibliothèque.
Dans la catégorie petite bibliothèque, le jury a aimé le projet de Saint-Agathon (Côtes-d’Armor), qui fait également participer son public au concours. Ils ont par exemple proposé de supprimer l’urinoir, d’installer des marche-pieds pour les enfants et de mettre en place un mur d’expression.
Deux prix spéciaux
Un autre projet participatif récompense la Ludo-médiathèque, à Bordères et Lamensans (Landes), d’un prix spécial. Car ce sont les usagers qui ont fabriqué le meuble lave-main pour enfant, à partir de la cabane à dons de la médiathèque. Le porte-savon a été créé avec l’imprimante 3D, et les origamis confectionnés à la main à partir de vieux livres.
La « grosse » bibliothèque Saint-Sever (Rn'Bi), à Rouen, mixe le service et l’esthétique. Il mélange d’abord les sexes, ce qui limite notamment les files devant les toilettes pour dames quand celles de hommes sont vides. Une boîte permet de déposer et de retirer des protections menstruelles, et une autre, en projet, de recueillir discrètement les messages des visiteurs, et notamment ceux d’enfants maltraités.
Chaque cabine a sa déco et son nom, réalisé avec la découpeuse vinyle de la médiathèque. Au-delà de l’esthétique, la personnalisation permet de bien communiquer avec le personnel d’entretien, signale Sophie Cornière, la responsable de la bibliothèque. Elle remarque aussi que « lorsque des lieux sont soignés, agréables, quand on s’y sent bien, ils sont moins dégradés. » On notera enfin le grand miroir, « pratique pour vérifier que la culotte n’est pas coincée dans la jupe !»