Les grands acteurs de l’édition d’ouvrages de concours administratifs ont retrouvé le sourire. Si 2012 ne restera pas dans les annales de ce marché très disputé, 2013 aura vu certains de ses leaders retrouver une partie de leurs positions perdues. Pour Nathan et Vuibert tout spécialement, l’importante réforme du concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE) a notamment permis la conquête d’un nouveau lectorat. « Nous sortons d’une excellente année, nos ventes ont progressé très fortement », se réjouit Patrick Gonidou, directeur éditorial du département sciences et concours chez Nathan. « La réforme du CRPE a beaucoup dynamisé le marché, nous tirons un bilan très positif de la rentrée 2013 », renchérit François Cohen, le directeur de Vuibert.
Priorité aux professeurs des écoles
Cette performance s’explique par le nombre d’inscrits à la session 2014 du concours, qui a enregistré un bond de 29,2 %, selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Education nationale, mais les deux éditeurs ont aussi été les plus prompts, dès le début de l’automne, à proposer des ouvrages en phase avec les nouveaux programmes. Nathan a publié en septembre des guides dédiés aux épreuves écrites de français et de mathématiques (deux volumes chacun). La filiale d’Editis complète son offre en ce début d’année avec quatre titres d’annales, qui seront suivis en avril par les ouvrages consacrés aux épreuves orales d’admissibilité. « Nous attendons le printemps pour les publier, car c’est seulement à ce moment que les candidats ayant réussi les écrits les achèteront », explique Patrick Gonidou. De son côté, Vuibert a entièrement refondu à la rentrée sa collection «Admis », créée il y a quatre ans. La maison du groupe Albin Michel y déploie une offre articulée en trois catégories : d’abord un tout-en-un rassemblant l’ensemble des épreuves écrites et orales, ensuite des titres d’entraînement et enfin des fiches de révision. « Les trois gammes fonctionnent très bien », assure François Cohen.
Les autres éditeurs n’ont publié leurs titres qu’à partir de la fin d’octobre ou en novembre, voire en décembre-janvier. « La réforme a été annoncée au printemps dernier, il était difficile de sortir pour la rentrée », justifie Eric d’Engenières, directeur éditorial chez Dunod. La filiale universitaire et professionnelle d’Hachette Livre, qui n’est présente sur le segment du concours de professeur des écoles que depuis 2012, est arrivée en novembre dans les librairies avec des titres portant sur les deux épreuves écrites d’admissibilité et sur quelques-unes des épreuves orales d’admission via une mise en situation professionnelle (histoire, géographie, enseignement moral et civique, sciences et technologies). Pour sa part, Hachette a mis à jour fin octobre sa collection d’ouvrages «Objectif CRPE » avec des titres couvrant l’ensemble de la nouvelle nomenclature sous forme de fiches. Deux tout-en-un consacrés au français et aux mathématiques, avec des parties cours, entraînement et méthodologie, renforcent l’offre de l’éditeur.
Par ailleurs, Foucher, également filiale d’Hachette, a publié à la mi-novembre deux titres couvrant les épreuves écrites, complétés par un tout-en-un d’épreuves inédites corrigées. L’éditeur proposera le 22 janvier quatre ouvrages traitant des épreuves orales. Studyrama fait le pari de la globalité avec un seul titre couvrant les deux épreuves écrites intitulé CRPE, toutes les épreuves d’admissibilité et publié fin novembre. Un second volume réunissant l’ensemble des épreuves orales, CRPE, toutes les épreuves d’admission, est annoncé pour le 21 février. « Nous sommes encore un petit acteur sur le marché du CRPE : avec ce positionnement global, nous arrivons à nous distinguer des offres de la concurrence, et cela fonctionne plutôt bien », atteste Frédéric Vignaux, directeur du département édition de la maison.
Hatier a limité sa production aux écrits de français et de mathématiques avec des titres parus à la fin de novembre, en attendant de renforcer son offre courant 2014. Le décalage avec les dates de sorties des premiers ouvrages parus à la concurrence n’est pas un problème en soi pour Dominique Bocheux, la responsable du département primaire : « Nos titres sont très attendus par les candidats, mais nous avons voulu prendre le temps de proposer des ouvrages irréprochables en termes de qualité », souligne-t-elle.
L’embellie qui caractérise le marché du CRPE pourrait conduire d’autres acteurs à investir ce marché. Belin confirme son intention d’ouvrir à moyen terme sa collection «Guide + » aux concours de l’enseignement. « Ce ne sera pas pour 2014, mais nous continuons à y réfléchir. Nous avons toute légitimité pour développer une offre », estime Yves Manhès, le directeur éditorial.
L’attaché territorial en ligne de mire
L’enseignement n’est pas le seul domaine à tirer son épingle du jeu. Les autres concours de la fonction publique se sont également bien comportés en 2013, tirés par quelques grands classiques comme celui de rédacteur territorial, qui a lieu tous les deux ans et qui, avec 20 000 inscrits, génère de nombreux achats. Vuibert annonce de bonnes ventes sur ce concours dans ses deux collections complémentaires «Admis » et «100 % efficace ». La première cible le candidat qui anticipe et planifie ses révisions longtemps à l’avance ; la seconde s’adresse au candidat qui a besoin d’être guidé et d’aller à l’essentiel.
Chez Nathan, deux ouvrages correspondant aux niveaux de rédacteur territorial principal et de rédacteur territorial catégorie B ont chacun généré plusieurs milliers de ventes. Toujours sur le concours de rédacteur territorial, Foucher s’est appuyé sur 3 types d’ouvrages : un tout-en-un, un livre proposant des sujets inédits pour des entraînements, et enfin un titre de la petite collection «Pass’Foucher » intitulé Rédacteur territorial/principal. « Le concours de rédacteur a été remanié, c’est toujours déterminant pour les éditeurs car les candidats se précipitent sur les ouvrages », indique Agnès Fieux, responsable éditoriale concours et parascolaire chez Foucher.
L’éditeur, qui revendique une croissance de 21 % de son chiffre d’affaires 2013, aborde 2014 avec une série de nouvelles éditions au sein de sa collection «Pass’Foucher », dont Attaché territorial en vue du très sélectif concours qui sera organisé en novembre prochain. Nathan, Vuibert, La Documentation française, Studyrama, Dunod ou encore Hachette seront d’ailleurs tous présents sur ce créneau avec des titres remis à jour. « Le concours d’attaché territorial est exigeant, il y a 2 000 places pour 28 000 postulants. Les candidats préparent donc très sérieusement les épreuves et achètent massivement les ouvrages », observe François Cohen, chez Vuibert. « C’est un incontournable de la fonction publique, c’est d’ailleurs le seul pour lequel nous disposons d’un ouvrage depuis au moins une dizaine d’années », ajoute Eric d’Engenières. A travers la collection «Je prépare », Dunod investit progressivement le marché de la fonction publique, aussi bien via des tout-en-un traitant d’un concours dans son ensemble (comme Adjoint administratif territorial, paru en octobre) qu’avec des ouvrages transversaux préparant à une épreuve en particulier (la note de synthèse est par exemple abordée dans trois ouvrages distincts). « Nous sommes encore petits sur ce marché, nous essayons de ne pas trop publier et de nous concentrer sur la qualité », poursuit Eric d’Engenières.
Les titres centrés sur un concours sont toujours ceux qui se vendent le mieux, à l’instar de Concours des IRA : annales 2013 (La Documentation française) ou du Gendarme de Studyrama, remis à jour en novembre. Belin annonce également pour juillet 2014 une nouveauté consacrée au concours de la gendarmerie dans sa collection «Guide + », qui a été marquée en 2013 par la parution de cinq titres couvrant le concours infirmier. Chez Sirey, une marque de l’éditeur juridique Dalloz, Commissaire de police, officier de police, officier de gendarmerie a fait l’objet d’une nouvelle édition en septembre. « C’est un titre phare chez nous », indique l’éditrice, Magali Féralis. Sirey, qui ne prévoit aucune nouveauté pour 2014, annonce aussi la refonte de son ouvrage couvrant le concours de contrôleur des finances publiques et des douanes afin de prendre en compte la fusion entre les impôts et le Trésor. De la même façon, 100 questions sur les collectivités territoriales fera l’objet d’une réédition. « Avant, les épreuves étaient plus classiques, plus universitaires. Les concours ont recentré leurs épreuves sur les compétences professionnelles, nous adaptons donc nos fiches à ce besoin de connaissances du terrain », souligne Magali Féralis.
Des mises à jour régulières
Chez Nathan, les ventes ont progressé dans l’ensemble de la collection «Intégrer la fonction publique ». « Comme les années précédentes, nous avons bâti notre programme sur un peu de nouveautés et beaucoup de mises à jour. La régularité dans la mise à disposition d’un fonds toujours d’actualité a fait de la collection un relais classique pour les libraires. C’est comme cela que nous expliquons notre succès », estime Patrick Gonidou. La dernière nouveauté, Assistant médico-administratif, paru en mai 2013, est d’ailleurs déjà épuisée. Mais même sur les marchés de niche, le succès peut être au rendez-vous. Studyrama revendique ainsi plus de 3 000 exemplaires vendus pour Assistants territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques depuis sa parution en janvier 2013.
L’éditeur dresse également un bilan positif de la première année de sa collection «Multiconcours », lancée en septembre 2012 et s’adressant aux personnes qui préparent plusieurs concours au sein d’un même univers. Le dernier-né de la série, Multiconcours social, animation, sport, est paru en septembre 2013. Il est le sixième d’une collection qui propose des titres globaux sur les carrières administratives, les carrières de la police et de la sécurité, ou encore les métiers de la petite enfance. « Nous avons été innovants avec les «Multiconcours». Ces ouvrages s’adressent aux personnes, généralement surdiplômées, qui ont intégré la fonction publique à un poste de catégorie C et qui cherchent à grimper dans la hiérarchie. Avec ces livres, nous les aidons à se projeter dans l’avenir », assure Frédéric Vignaux.
Pour autant, les ouvrages transversaux ont eux aussi connu un certain mieux en 2013. C’est notable à La Documentation française, où la collection «Formation administration concours » («FAC ») progresse à nouveau après avoir reculé en 2012. L’éditeur s’appuie sur un catalogue de titres embrassant tout le spectre des concours et a notamment publié en novembre Les politiques publiques, organisé en 33 fiches. « Cet ouvrage cible presque tous les concours de catégories A et B et permet de répondre à la tendance de la professionnalisation des épreuves qui exigent de plus en plus des candidats une capacité à réfléchir sur la notion de politique publique », décrypte Claire-Marie Buttin, responsable de la collection «FAC » à La Documentation française. L’éditeur public proposera d’autres nouveautés en 2014, y compris dans ses petits formats «FAC », et continue d’entretenir son fonds avec de nouvelles éditions du Droit public ou encore d’Eléments de culture générale.
Du côté d’Hachette Livre, sous la marque Sedes, Armand Colin a pour sa part publié en septembre la 3e édition de Grandes questions européennes et envisage de mettre à jour sa Culture générale aux concours administratifs. « L’année a été correcte, nous entretenons un petit fonds en complément de nos ouvrages destinés aux IEP », précise Stéphane Bureau, directeur délégué à l’édition chez Armand Colin. Le marché comptera par ailleurs un nouvel acteur plutôt inattendu à compter de janvier, puisque First annonce plusieurs titres dans une nouvelle collection «Pour les nuls : concours », dont La culture générale tout en un pour les nuls, et un ouvrage destiné au concours infirmier. Six à huit livres devraient paraître dans le courant de l’année, dont un en octobre sur le CRPE (1).
Outils transversaux
Foucher croit également au potentiel de la transversalité puisqu’il inaugure une nouvelle collection consacrée à ces thématiques (voir encadré &bs;p. 61) et ouvre dans le même temps «Pass’Foucher » à des sujets plus généraux. Alors que la collection était jusqu’à présent centrée sur des concours identifiés, elle intègre à partir de janvier des titres comme La justice ou Culture générale : thèmes de société. Studyrama développe de la même façon un segment «Tous concours » avec des livres répondant aux attentes des candidats sur des matières transversales. Tests d’orthographe de difficulté progressive et Tests psychotechniques de difficulté progressive sont conçus pour accompagner la préparation des concours de la fonction publique au sens large (santé, social, paramédical), voire des grandes écoles. « Nous avons lancé ces deux titres en novembre dernier, ils démarrent très bien », se félicite Frédéric Vignaux. Ces thématiques ne sont pas étrangères à Nathan, Dunod, Foucher ou encore Vuibert, qui disposent eux aussi de leurs titres en psychotechnique.
Dans la même veine, Vuibert enrichit son catalogue en orthographe avec la sortie en février du Grand livre de la certification Voltaire. « L’orthographe est devenue un critère de recrutement, même s’il n’est pas officiel. Beaucoup d’élèves sont écartés en raison d’une orthographe défaillante et nous leur apportons une réponse avec ce livre », souligne François Cohen. Un retour aux fondamentaux qui a déjà convaincu La Documentation française puisque la maison, située… quai Voltaire à Paris, a publié début 2013 Maths et français aux concours C. Toujours dans la révision des bases du savoir, Vuibert va transformer l’essai d’Actualité 2012 : concours et examens 2013, une nouveauté qu’il avait lancée l’an dernier et qui a fait ses preuves auprès des candidats. La 2e édition à jour de l’actualité 2013 sort le 17 janvier.
Au final, les déçus du marché des concours administratifs sont peu nombreux. Ophrys compte parmi eux puisque la maison a mis, début 2013, un terme définitif à sa production d’ouvrages de préparation aux concours. « Nous n’étions pas attendus sur ce segment, nous sommes retournés à notre cœur de métier qui est la publication de livres de langues », explique Alexandra Lepinay, la directrice éditoriale. Alors que la tendance actuelle semble profiter aux principaux acteurs, les «petits » ont également un peu plus de mal à exister. « Le marché est compliqué pour nous, concède Yves Manhès, chez Belin. L’implantation est difficile pour le challenger que nous sommes car les collections historiques sont très fortes. » Et chacun défend son pré carré : La Documentation française a notamment fait part de son intention d’avancer de plusieurs mois la publication de ses titres. « En 2014, nous anticiperons encore plus sur les dates des concours, nous voulons les proposer le plus tôt possible, au moins six mois avant le début des épreuves contre trois aujourd’hui », annonce Claire-Marie Buttin.
(1) Voir LH 978, du 13.12.2013, p. 40.
En chiffres
Une hausse de la demande en librairie
La réforme du concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE) tient ses promesses en librairie. Au Furet du Nord d’Arras, Pascale Decroix observe un « important décollage » depuis septembre et l’arrivée des premiers ouvrages. « Nathan a été le plus rapide à publier des livres prenant en compte le nouveau programme. Mais leurs tirages n’étaient pas suffisants et nous nous sommes vite retrouvés en rupture de stock », regrette-t-elle. L’arrivée des autres éditeurs (Vuibert puis Dunod, Hachette, Foucher, Studyrama ou encore Hatier) a depuis rétabli l’équilibre. « Nous avons vendu beaucoup d’ouvrages de Nathan au début, et maintenant un peu de tout », confirme Françoise Pasquier, de La Boîte à livres (Tours). Chez Vent d’ouest, à Nantes, les effets de la réforme du CRPE sont plus limités. « On est sur un public d’étudiants assez différent de celui qui prépare les concours administratifs en vue d’une reconversion professionnelle, observe Samuel Badaud. Du coup, le seul effet notable de la réforme est un fort intérêt pour les livres consacrés à la nouvelle épreuve «Agir en fonctionnaire de l’Etat». »
Sur le marché des concours de la fonction publique, les indicateurs sont aussi au vert, avec une demande plus élevée sur les catégories B et C (adjoint administratif, gardien de la paix, sapeur-pompier, ATSEM…). «Avec sa nouvelle collection «100 % efficace», Vuibert obtient de bons résultats », note Pascale Decroix. «Quel que soit le concours, on dépend surtout de la saisonnalité et on a rarement affaire à de grosses ventes, nuance toutefois Mélanie Jauneau, responsable du rayon à La Boîte à livres. C’est encore plus vrai à propos des concours de catégorie A. Pour les IRA [Instituts régionaux d’administration, NDRL] par exemple, on vend deux ou trois exemplaires par éditeur en moyenne. »