15 janvier > Roman France

Ils s’appellent Franck, La Buse, les jumeaux, Oiseuse ou Carabi (le dernier de la bande). C’est quelque part en France, celle des « clochers, des maisons sages », mais ce pourrait être ailleurs. Quelque part aussi sans doute dans la dernière partie du siècle dernier (vers les années 1980 pour faire vite), même s’il flotte encore sur ces champs, ces sous-bois, un air de guerre, de maquis, de règlement de comptes. Il y aurait des cigarettes, des fusils, des bières, des affiches avec des filles toutes nues, l’ordinaire du bazar fantasmagorique de l’adolescence. Et sur tout cela comme l’ébauche d’un complot de colère, des éclats bruts de beauté qui ne se résolvent que dans et grâce à la violence. Ces gamins-là sont de tous temps. Ces histoires (dont les adultes, chassés du paradis ou de l’enfer, sont relégués au rang victimaire) aussi. C’est Mark Twain revisité par le Des Forêts des Mendiants. On n’y comprend goutte et c’est très bien ainsi.

On sait depuis Ni ce qu’ils espèrent ni ce qu’ils croient (Allia, 2012), texte déjà infiniment troublant et inaugural, qu’Elie Treese est un écrivain du secret, des complots de colère. Avec ce second roman (qui marque son entrée en majesté dans la nouvelle collection de littérature française des éditions Rivages), Les anges à part, plus abouti encore, il définit les contours d’un projet romanesque parmi les plus ambitieux et singuliers de ce temps. S’affranchissant des codes de la narration classique nourrie de causes et de conséquences, il offre une œuvre aussi dense que brève, aussi lyrique que minérale. Bien sûr, on rôde ici dans des territoires déjà repérés chez Faulkner. La campagne de ces garnements est un monde en elle-même, et leurs corps, le moindre de leurs gestes, se déploient en un bel hiératisme sur fond de silence. Tout ceci est de l’ordre du rituel, le sacré en moins. Quelque chose a eu lieu sans que l’on puisse vraiment le définir. Quelque chose est passé. La jeunesse ? En tout cas, tapi dans les recoins de ce mystère, un écrivain nous guette.

O. M.

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