Entretien

Claude Ponti : "Je suis pour toute initiative qui valorise les bibliothèques"

olivier dion

Claude Ponti : "Je suis pour toute initiative qui valorise les bibliothèques"

Auteur majeur de la littérature jeunesse en France, Claude Ponti présidera le jury du 7e grand prix Livres Hebdo des Bibliothèques, qui sera décerné en fin d’année. Rencontre avec un amoureux des livres.

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Par Véronique Heurtematte
Créé le 18.03.2016 à 13h00

En décembre prochain, Claude Ponti présidera le jury du 7e grand prix Livres Hebdo des Bibliothèques francophones. Auteur incontournable de la littérature jeunesse, et l’un des préférés des bibliothécaires, le créateur des poussins Blaise et de Pétronille séduit depuis plus de trente ans des générations entières de jeunes lecteurs qui se reconnaissent dans son univers graphique foisonnant et sa façon toute personnelle de jouer avec le langage. Le Muz, musée virtuel qu’il a créé en 2009 avec Olivier Douzou et Aline Hébert-Matray, valorise en retour les dessins des enfants du monde entier. L’affreux moche Salétouflaire et les Ouloums-Pims, son dernier album, est paru en novembre dernier à L’Ecole des loisirs, l’éditeur auquel il est fidèle depuis 1990.

 

Claude Ponti - Je trouve que ce prix est une super bonne idée. Il n’y a rien de plus important que les bibliothèques et je suis pour toute initiative qui les valorise. Elles créent un terrain culturel favorable. La Petite Bibliothèque ronde, à Clamart, par exemple, accomplit depuis très longtemps un travail formidable en direction des enfants. A l’heure où nos dirigeants assument pleinement de ne pas lire, et alors que la culture est la première à faire les frais des restrictions budgétaires, leur travail est essentiel.

Nombre de parents n’aiment pas mes livres. C’est donc souvent grâce aux bibliothèques et aux écoles que mes livres arrivent entre les mains des enfants. Je suis beaucoup allé à la rencontre de mes jeunes lecteurs. Je me souviens qu’il y a trente ans les enfants pensaient que j’avais fait moi-même tous les livres de la bibliothèque. Aujourd’hui, ils sont capables dès 4 ou 6 ans de reconnaître le style de certains dessinateurs, ils savent ce qu’est une quatrième de couverture. Je peux mesurer le travail admirable de sensibilisation qui a été fait par les bibliothèques et par les écoles.

Je garde des souvenirs extraordinaires de la bibliothèque à laquelle j’allais quand j’étais enfant. C’était juste après la guerre. La reconstruction n’était pas achevée et la bibliothèque était installée dans une maison bourgeoise d’où on me laissait repartir avec des ouvrages grand format reliés en cuir du XIXe siècle. C’était des émotions extrêmement fortes car je découvrais les classiques dans des éditions de grande qualité, où on sentait sous les doigts le caractère qui avait un peu enfoncé le papier. Aujourd’hui, je ne fréquente plus les bibliothèques, car mon drame, c’est qu’il faut rendre les livres. Or, une fois que je les ai lus, je considère qu’ils sont à moi et j’ai envie de les garder. Mais je suis absolument pour l’accès gratuit à la lecture et toute autre forme de culture qu’offrent les bibliothèques, lire une BD allongé par terre, écouter un CD, regarder un DVD.

Je suis parfaitement conscient que je suis attaché au livre parce que j’ai grandi avec en tant qu’objet. Mais je sais très bien que l’essentiel, c’est le contenu. L’humanité a commencé par des os gravés, puis des tablettes d’argile, des papyrus, des rouleaux, utilise différentes écritures, de droite à gauche, de gauche à droite, de haut en bas. A chaque fois, ce qui compte, c’est le texte lui-même. Peu importe de lire Rimbaud dans une édition d’époque reliée en cuir ou imprimée sur du mauvais papier, le texte est là et il est beaucoup plus puissant que son support. J’ai beaucoup de livres, j’en achète des vieux, juste pour le plaisir de les tripoter et de ne lire que trois pages parce que je connais déjà le texte, mais je lis aussi sur tablette sans problème. Je me souviens avoir relu Bouvard et Pécuchet sur ma tablette, j’étais ravi car ces personnages, deux malades du progrès, s’accordaient bien avec la lecture sur tablette. Je n’ai pas de réticence envers la technologie. Je suis pour tout ce qui peut faire que la connaissance circule. J’ai d’ailleurs donné plusieurs de mes textes à François Bon pour sa bibliothèque numérique.

Non, car je n’ai pas le temps d’apprendre à maîtriser les logiciels. Je pense que le dessin numérique est un nouveau médium qui va s’ajouter aux autres. Les techniques apparaissent, disparaissent. Si on prend la gravure, par exemple, pendant des siècles elle a été essentielle car elle servait de moyen de communication. Les images d’Epinal transmettaient des informations sur ce qui se passait dans les pays lointains, sur l’actualité, sur les événements en France. Aujourd’hui, elle est réservée au domaine artistique. Ce qu’on voit dans les réalisations de cette petite fille en dessin numérique, c’est qu’elle est capable d’être aussi spontanée, aussi expressive et puissante que d’autres avec des moyens différents. Or, c’est cela l’essentiel, que les enfants arrivent à exprimer le fond de leur personne.

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