Vous vous souvenez de ce film ? La Ronde. La fine fleur du cinéma français d'après-guerre (Signoret, Philipe, Gélin, Darrieux...) réunie sous la caméra de Max Ophuls pour une adaptation enchantée d'une pièce de théâtre d'Arthur Schnitzler. L'histoire ? Un principe de « marabout de ficelle » pour évoquer la ronde aléatoire des amours où le spectateur passe de la prostituée au soldat, du soldat à la femme de chambre, de la femme de chambre au fils de famille et ainsi de suite. C'est ce même principe narratif, profondément ludique, rhizomatique et riche en potentialités les plus diverses qui guide la plume de Christine Montalbetti pour son nouveau roman, Le Relais des amis. L'auteure manifestement s'amuse et son lecteur n'est pas en reste. Les deux s'émeuvent aussi. C'est cadeau. « Le Relais des amis » n'est pas que la métaphore du projet littéraire de la romancière. C'est aussi, plus prosaïquement le nom d'un café sans charme particulier, si ce n'est d'être situé dans une petite station balnéaire de la côte normande. C'est là que vient un jour se poser Simon, un écrivain en mal d'inspiration. Bientôt, l'action le quitte et le récit s'attache aux pas de deux autres clients du café, un maçon et son apprenti. Suivront, jusqu'au Colorado et au Japon au moins, une agente immobilière et son client, un chauffeur de taxi, un couple de vieux Anglais, une jeune femme et son amoureux, une mouche (oui, une mouche !), un pianiste, un joueur tokyoïte de pachinko, pour finir, après bien d'autres péripéties et personnages, par une mouette qui remonte la Seine, une station-service, une conductrice, une plage et retour à l'envoyeur, re-bonjour Simon...
Bien sûr, un tel procédé peut apparaître un tantinet artificiel. Laissons ce reproche à ceux qu'Hitchcock appelait drôlement « les vraisemblants » et souvenons-nous qu'il y a en tout art une vérité de l'artifice. C'est à cette vérité paradoxale que Christine Montalbetti, dont les lecteurs savent le goût pour les chausse-trappes de la fiction, s'adonne avec délice. Et si Le Relais des amis était plus profond qu'il n'en a l'air ? Élégant et profond. Et s'il était d'abord question ici des prestiges de la ligne d'horizon, de nos solitudes qui se frôlent, des consolations du roman ? L'air de rien, si ce n'est celui d'être de passage. Au milieu d'un capharnaüm de vies, de chagrins d'amour, de fils et de mères, de boulots et de rêves perdus avec entre tout cela un fil infiniment ténu mais qui ne se rompt pas. Un livre.
Le Relais des amis
P.O.L
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 19 € ; 144 p.
ISBN: 9782818056813