C'est un genre en soi. Mineur sans doute, mais aussi l'un des plus délicats, cheminant sur un fil de soie tendu entre le kitsch et l'anthropomorphisme. Ecrire sur l'amour n'est pas toujours facile, mais sur celui qui unit deux êtres lorsque l'un est un humain et l'autre un animal, un chien, cela relève de la gageure. Peu, depuis l'admirable J. R. Ackerley (Ma chienne Tulip, Salvy, 1993), ont su relever le défi. Citons tout de même, ces dernières années, déchirants, Les larmes d'Ulysse de Roger Grenier (Gallimard, 1998) ou Dernière caresse de Catherine Guillebaud (Gallimard, 2009). Il faudra désormais compter avec Mélodie.
De quoi s'agit-il ? "Boy meets girl", comme de coutume. Lui, intellectuel japonais, merveilleusement francophile, aime l'opéra et la musique baroque, sa femme française, sa fille et, on le devine, la vie qu'il s'est construite entre deux océans, deux cultures. Elle, arrachée à sa famille peu de temps après sa naissance, aime se promener et consacre sa vie à attendre (la plupart du temps, le retour de celui qu'elle aime). Elle s'appelle Mélodie, c'est un golden retriever au poil doré et au regard liquide. Entre eux, il y aura le temps d'un soupir, d'une vie de chien, du chagrin d'un homme, une histoire d'amour. Une vraie, de celles qui se nourrissent de serments silencieux.
L'amour de Mélodie, c'est donc Akira Mizubayashi. Les lecteurs français découvraient voici deux ans, avec Une langue venue d'ailleurs, >merveilleusement musical >(publié dans la collection "L'un et l'autre" chez Gallimard et qui reparaît ces jours-ci en Folio), cet universitaire et traducteur japonais pour qui, écrit-il joliment, la langue française est "la langue paternelle". On le retrouve ici, tout aussi empreint de grâce et de délicatesse, avec cette >"Chronique d'une passion" (sous-titre de son livre), vibrante d'émotion et traversée de réflexions parsemées de tendresse, où Mozart, Rousseau et Montaigne sont convoqués autour de la nature du lien qui s'est créé entre l'écrivain et sa chienne. Dans une langue concise, précise, Mizubayashi dresse un tombeau pour son amour défunt. Cette Mélodie est de celles que l'on fredonne et ne peut oublier. Comme dans une chanson de Julien Clerc, "Cette mélodie qui reviendra parfois dans ta vie/cette mélodie dans ta ville s'est transformée en pluie, en pluie..."