Alors que le 52e festival d’Angoulême n’a pas échappé aux polémiques, la maison d’édition Jungle a quant à elle bénéficié d’une édition particulièrement positive, couronnée par l’obtention du prestigieux Fauve Jeunesse, décerné à Retour à Tomioka de Laurent Galandon et Michaël Crouzat. Une première victoire pour la maison qui a fêté ses 20 ans en 2023, soit 12 ans après avoir repensé une stratégie éditoriale qui semble désormais porter ses fruits.
Un premier fauve jeunesse à Angoulême
Dès 2013, la maison a en effet choisi de s’éloigner des adaptations pour privilégier les créations originales. « Nous devenons une maison qui accompagne les auteurs », exprime fièrement Moïse Kissous, directeur général du groupe, à Livres Hebdo.
C’est d’ailleurs grâce à cette évolution que Jungle a pu renforcer sa position sur le marché de la BD jeunesse, proposant de nouvelles séries récurrentes et populaires qui fidélisent les lecteurs. « Nous avons une belle offre et nous avons réalisé, cette année, la meilleure année historique de Jungle », se réjouit le dirigeant.
Symboles de cette réussite – le groupe Steinkis figure désormais dans le Top 10 des éditeurs jeunesse, en progression dans un marché qui stagne –, deux récompenses majeures ont ponctué cette année pleine pour la maison, avec de nombreuses sélections. Outre le fauve pour Retour à Tomioka, Le Navire Écarlate de Claire Grimond et Léo Verrier a reçu un Grand Boum à Blois, tandis qu’Atomick Lucas de Piratesourcil et Francesca Carità a réussi à se glisser dans plusieurs sélections.
Du mouvement aux États-Unis sur le marché de l’album jeunesse
Remarqués sur les scènes des festivals en France, ces titres ont également rencontré un important succès en amont, sur les cessions de droits, notamment outre-Atlantique. « Il y a quelque chose qui se passe avec les États-Unis, confie Moïse Kissous. Les grands groupes généralistes d'édition ont désormais perçu l'importance, pour eux, de se positionner sur le roman graphique jeunesse », confirmant des niveaux de cessions et de royalties plus importants que jamais sur ce marché américain.
Concernant l’activité en France, le groupe a opté pour une stratégie du moyen terme. « Nous sommes plutôt les spécialistes de la série middle seller », analyse l’éditeur. Celui-ci s’illustre notamment avec des titres qui assurent des ventes moyennes sur une longue période, à l’instar de Mistinguette, Enola Holmes, Brigade des Cauchemars ou encore Complots à Versailles. « Des séries qui ont une très grande régularité, qui plaisent aux lecteurs et sont soutenues par les libraires », poursuit l’éditeur.
Cette tactique nécessite néanmoins de souffler continuellement sur les braises, afin de prolonger au maximum le succès des séries. Pour cela, Jungle a donc réfléchi à la manière de poursuivre certaines des plus populaires, en étirant parfois l’univers dans lequel elles s’insèrent : « On travaille, par exemple, à reprendre un personnage de la série qui était important mais qui n’était pas le personnage principal », confie Moïse Kissous, citant Air One ou Mistinguette. Laquelle se poursuit sur 15 tomes et se décline également en une série dérivée autour du personnage d’Anissa, « la meilleure ennemie de Mistinguette ».
Renouveau de la BD de gags jeunesse
Dans le même temps, la marque se diversifie et revient à d’anciennes modes, telles que la BD humoristique. « On revient à des BD gags jeunesse... On s'est dit qu’il n'y avait aucune raison de ne pas s’y essayer de nouveau », assure le dirigeant qui annonce vouloir lancer, entre la fin de l’été et le début de l’automne, trois nouvelles séries axées sur des situations comiques, faciles à comprendre et à apprécier pour un jeune public. C’est ainsi qu’Après l’école, Aliénor et les aliens ou encore Alfred le chat paraîtront dans un format court et accessible (48 pages), à des prix fixés autour de 10,95 euros.
Pour accompagner ces évolutions continuelles, le groupe Steinkis a également mis en place une politique active de recrutement et de collaboration avec de nouveaux talents. L’équipe éditoriale s'est donc renforcée avec l’arrivée de nouveaux éditeurs comme Maxe L’Hermenier et Céline Voisin, pour soutenir les auteurs et diversifier les projets. « Cette année, nous allons aussi collaborer avec Nicolas Barry qui vient du cinéma », annonce l’éditeur.

Autre axe fort de la stratégie de Jungle : le soutien aux jeunes auteurs. Pour honorer cet engagement, la maison a lancé des initiatives telles que le prix BD Jungle, une distinction qui permet à des talents émergents de se faire connaître et de publier leurs premiers albums. « Notre souhait est de proposer à nos auteurs la plus large palette d'expressions possibles », affirme Moïse Kissous. Car pour prospérer dans un contexte de marché affaibli – en raison de la diminution des lecteurs et d'une augmentation des coûts de production –, l’éditeur compte bien recourir à « la concentration et la qualité ».
« L'équipe a diminué le nombre de nouveautés à environ 60-65 par an, en réduction d'environ 10 % par rapport aux années précédentes », illustre-t-il. Une démarche qui, à terme, vise à concentrer les efforts éditoriaux sur des séries de qualité, mais aussi sur des lancements stratégiques.