Haute montagne. D'abord, il y a Milva. Entre la jeune fille et la jeune femme. Entre un côté des Alpes et l'autre. Entre le lieu du père et celui de la mère. Elle vit chez le premier, Jacques, qui dirige une petite fonderie dans les Alpes suisses. Elle passe ses vacances chez la seconde, Irène, qui fait le taxi dans le pays de Giono, vers Forcalquier et Manosque. Elle laisse doucement glisser les jours sur ses jeunes années. Elle pêche, elle se promène en ville avec Sam, son meilleur ami, et surtout, elle peint et dessine avec une préférence pour tout ce qui relève de la fragilité du monde. Une feuille, une branche, la courbe d'un poignet... Elle voudrait que rien n'accroche dans sa vie, que tout soit toujours réconcilié. Après tout, le bruit et la fureur, ce n'est pas pour elle dans la famille, c'est pour son (demi-) frère aîné, Théo. Lui, tout lui est promis, tout lui est retiré. Théo est un garçon qui se refuse. Et d'abord à la contingence des choses. Avec sa petite amie, Kyoko, il parcourt à toute allure les routes des Alpes au guidon de sa puissante moto. En rupture de ban, il dit faire des affaires, dans l'import-export. Il faut comprendre se livrer à toutes sortes de trafics. Jusqu'à celui de trop. Où il est question d'armes, qui l'amèneront à se réfugier absolument seul, dans un tunnel très rudimentairement aménagé. C'est là que Milva ira le chercher et essaiera de le ramener à la vie par l'unique grâce poétique de ses dessins. Et Jacques et Irène, eux aussi, connaîtront leurs épiphanies.
Parlons-en de grâces et d'épiphanies. C'est là l'épitomé de l'œuvre tout entière de Célia Houdart depuis Les merveilles du monde (P.O.L, 2007) jusqu'à ce nouvel ouvrage, conçu lors d'une résidence d'écriture pour les Correspondances de Manosque, et dont la beauté coruscante ne se laisse guère oublier après lecture. Les personnages y divaguent d'une page l'autre comme autant de profils perdus. Ce sont des esquisses égarées dans l'impavide splendeur de la nature, des montagnes. Et celles-ci sont dessinées à la manière d'estampes japonaises. La ligne de Célia Houdart est claire. Dans la littérature francophone, hormis peut-être Chantal Thomas, nul ne s'y entend autant en la matière.
Les fleurs sauvages
P.O.L
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19 € ; 208 p.
ISBN: 9782818057865