Une langue française métissée, italianisante bien sûr, avec des graphies pittoresques, celle qu’a utilisée Casanova à la fin de son existence (1725-1798) pour écrire Histoire de ma vie, fera son entrée dans la « Pléiade » le 14 mars. On ne parlera pas de « retour » car la première édition des Mémoires du Vénitien dans cette prestigieuse collection, publiée entre 1958 et 1960, avait été en effet établie à partir d’une adaptation expurgée datant du XIXe siècle, celle de Jean Laforgue. Le manuscrit de cet aventurier du XVIIIe siècle, dont on a déjà conté l’étonnant parcours (1), était quant à lui resté « au secret » dans le coffre de son premier éditeur, la maison Brockhaus. Révélé seulement en 1960, on le connaissait depuis, grâce à une édition chez Plon reprise en « Bouquins ».
Mais cette fois, après l’acquisition en 2010 par la BNF du précieux manuscrit avec l’aide d’un généreux mécène, les éditeurs ont pu travailler grâce à un accès privilégié aux 3 700 feuillets laissés par l’écrivain. Marie-Françoise Luna, qui a dirigé ce volume avec Gérard Lahouati, s’en explique : « Pour le quotidien de notre transcription, nous avons essentiellement travaillé sur Gallica ou sur un CD, en nous référant au manuscrit lui-même en cas de problème particulier de lecture. » Résultat : une édition enfin respectueuse d’un texte si longtemps malmené. Voilà Casanova enfin exaucé, qui avait défendu à l’avance à tout éditeur « d’adopter des corrections que quelque puriste constipé s’aviserait d’introduire dans [son] manuscrit ». Au lecteur, et non à l’auteur, de faire ce voyage dans le temps nécessaire pour goûter à cet « imprévisible chef-d’œuvre, stupéfiant d’ampleur et de pétulance », celui d’un « émigré italien qui ne fut jamais tout à fait assimilé », ajoute Marie-Françoise Luna, une universitaire qui a déjà publié sur ce sujet (2). « La présentation générale du texte telle que l’a laissée Casanova n’est pas celle sous laquelle il a été jusqu’ici édité, explique-t-elle. Nous respectons pour la première fois sa composition originale. Nous publions également une variante inédite de quelques chapitres. » Ce premier volume - deux autres suivront - bénéficie également de la collaboration de deux autres spécialistes, Furio Luccichenti et Helmut Watzlawick, qui animent la revue annuelle L’intermédiaire des casanovistes. Michel Puche
(1) Voir LH 815 du 2.4.2010, p. 23.
(2) Notamment le livre de référence Casanova mémorialiste (Honoré Champion, 1998).