C’était la grande inquiétude des éditeurs, mais ils ont reçu des assurances du ministère de l’Education nationale, qui a obtenu le feu vert de celui des Finances : il y aura bien un budget exceptionnel pour acheter des nouveaux manuels conformes aux programmes appliqués l’an prochain, à tous les niveaux du collège. "Le budget 2016 devrait prévoir 100 à 150 millions d’euros", avance prudemment Sylvie Marcé, présidente du groupe enseignement du Syndicat national de l’édition, et directrice générale de Belin, maison reprise par le groupe d’assurance Scor en début d’année. Ce crédit financera aussi le lancement à grande échelle du plan e-éducation, "pour environ la moitié des effectifs d’une classe d’âge, soit autour de 400 000 élèves par an, et à condition que les départements s’engagent aussi", ajoute-t-elle. Insuffisant pour financer l’achat de tous les manuels nécessaires à l’application simultanée de la réforme de la 6e à la 3e, ce budget sera reconduit en 2017.
"Le ministère prévoit d’encourager une forme d’étalement des achats : seront prioritaires en 2016 le français, les maths, l’histoire-géographie de la 6e à la 3e, les sciences pour la 6euniquement, et un livre de LV2 pour les 5e. Le reste sera acheté en 2017", explique Mahin Bailly, directrice générale de Magnard-Vuibert. Les éditeurs vont adapter leur plan de publications à ce découpage. Ils y ont d’autant plus intérêt qu’ils répartiront ainsi leur charge de travail sur deux ans, et qu’ils éviteront que les établissements dispersent leurs commandes. Pour s’adapter, ils envisagent de publier des ouvrages couvrant tout un cycle. En théorie, avec environ 7 matières par niveau, les éditeurs voulant proposer une offre complète devraient produire près de 30 manuels l’an prochain.
Eviter un tollé des enseignants
Le 21 août, le ministère a en effet discrètement publié un décret officialisant l’application simultanée, du CP à la 3e, de la réforme préparée depuis 2013. Il a annulé le texte précédent qui prévoyait une application progressive sur trois ans. Le retard de cette réforme, qui aurait dû démarrer lors de cette rentrée, justifie sa mise en œuvre exceptionnelle d’un seul coup. La décision était attendue depuis la présentation des nouveaux programmes, en avril, mais le ministère s’est bien gardé de l’annoncer pour éviter un tollé des enseignants qui devront ingurgiter tous ces changements en une seule année. La querelle sur l’autonomie des collèges et le contenu desdits programmes lui suffisaient.
Pour les éditeurs et leurs auteurs, les six prochains mois seront extraordinairement chargés. "Les programmes définitifs ne sont pas encore publiés, nous ne pouvons pas vraiment démarrer la rédaction sur une base solide", s’inquiète Odile Mardon-Kessel, directrice du secondaire chez Hachette. Alors que ces manuels devront être terminés en avril pour être imprimés et envoyés en spécimens dans les établissements au retour des vacances de Pâques au plus tard, afin que les enseignants fassent leur sélection avant l’été, et que les éditeurs lancent ensuite la fabrication des volumes nécessaires pour la rentrée. Le rétroplanning n’a jamais été aussi serré sur une telle quantité de nouveautés à produire, sans même parler du primaire…