Manifestation nationale et populaire
L’an passé déjà, la manifestation était entrée dans les annales en drainant plus de 60 000 visiteurs et générant un CA de 707 000 euros. Cela fait d’elle « une des manifestations les plus importantes en terme de chiffre d’affaires pour les libraires » a rappelé le président du Centre National du Livre (CNL) Vincent Monadé à l’occasion du discours d’inauguration de la foire à laquelle il assistait pour la première fois. « Longtemps cette foire a été regardée de haut parl’édition parisienne, mais cette manifestation s’est maintenant imposée comme un rendez-vous national, incontournable de la rentrée littéraire », a -t-il estimé. « Année après année, la foire met la barre plus haut et 2017 ne fera pas exception : pour les journées de vendredi et samedi, nous constatons une hausse du CA d’environ 7% par rapport à 2016 », explique Nicolas Poret, le président du Groupement d’intérêt économique (GIE) qui réunit les sept librairies assurant la commercialisation de tous les ouvrages.
Cette tendance était palpable dès l’ouverture de la foire, vendredi. Alors que le Train du livre déversait à la gare de Brive et sous un ciel très maussade, une théorie d’auteurs et éditeurs mis en jambes par la célèbre prune venant clore le repas servi à bord, une foule de visiteurs commençait déjà à affluer à la Halle Brassens où se déroulait la manifestation. Venus de toute la région Nouvelle-Aquitaine et même au-delà, les visiteurs ont bravé la pluie qui s’est abattue sur la ville durant trois jours, formant de longs cortèges encapuchonnés qui ont parfois patienté plus d’une heure pour entrer. A l’intérieur, il leur a fallu de nouveau s’armer de patience. Le succès des rencontres et conférences d’auteurs comme Mathieu Ricard (La Martinière), Alice Zeniter (Flammarion) , Katherine Pancol (Albin Michel), Kaouther Adimi (Seuil) ou Marc Dugain (Gallimard) créant des files d’attentes mélangées à celles des lecteurs patientant pour faire dédicacer leurs ouvrages à des personnalités tant littéraires que publiques.
Programmation éclectique
C’est là toute la force de la foire de Brive, placée cette année par Laurent Gaudé, sous le signe de l’histoire et de la diversité. « Il y a ici une pluralité de livres et de lecteurs ; un pluriel qui nous sauve de l’obscurantisme », a -t-il estimé durant l’inauguration alors que la manifestation, surveillée en permanence par plusieurs militaires de l’opération sentinelle, se tenait près de deux ans, jour pour jour, après les attentats de Paris. Une diversité flagrante dans le choix des auteurs invités à la foire. Des figures phares comme Christian Signol (Albin Michel) qui a récupéré cette année sa couronne d’auteur le plus vendu de la manifestation avec 1300 exemplaires écoulés, l’infatiguable Amélie Nothomb (Albin Michel), Michel Bussi (Presses de la cité) , Frédéric Lenoir (Fayard ), Sorj Chalandon (Grasset), Véronique Olmi et Katherine Pancol (Albin Michel). Les fans de l’écrivaine étaient d’ailleurs si nombreux que la foire a dû ouvrir spécialement une issue de secours afin de faire attendre les lecteurs dehors, permettant ainsi un relatif désengorgement. Les personnalités publiques ont elles aussi suscité un engouement passionné. On jouait des coudes et des appareils photos pour apercevoir Lorant Deutsch (Michel Lafon) , Nicole Ferroni (Cherche-Midi) , Annie Duperey (Seuil) , Valérie Trierweiler (Les Arènes) , Stéphane Le Foll (Calmann Lévy) , Bernard Cazeneuve (Stock) ou le chanteur Raphaël (Gallimard) . La présence en dédicace de Laetitia Milot (Plon) samedi a suscité l’hystérie avec évanouissements de fans tant et si bien que l’actrice de Plus belle la vie a elle-même frôlé le malaise. Un peu plus tôt, l’émotion était aussi au rendez-vous lorsque le chanteur Alex Beaupain a rendu hommage, aux côtés de son amie l’auteure Kéthévane Dawrichevy (Tallandier), à la chanteuse Barbara devant une salle comble où de nombreux regards se sont embués.
La foire a aussi été l’occasion de constater une nouvelle fois l’impact des prix littéraires dont les lauréats étaient présents en force cette année. Le public s’est pressé en masse devant le stand du fraichement goncourisé, Eric Vuillard (Actes Sud) qui a écoulé 1000 exemplaires en 6 heures de dédicace. Mais aussi pour Olivier Guez (Renaudot) , Philippe Jaenada (Femina), Grégoire Bouillet (Prix décembre), Alice Zeniter (Landerneau des lecteurs et Prix littéraire du Monde), Paolo Cogneti, (Médicis étranger), etc.. « Il y a quelques années cette manifestation a connu une peopolisation de sa programmation mais les choses ont évolué dans le bon sens notamment grâce à Serge Roué (ndlr cofondateur de l’agence Faits et Gestes, en charge de l’événement) qui a réussi à relancer la programmation et à diversifier les plumes présentes » a ainsi salué Héloïse d’Ormesson, ravie que son auteure, Gaële Nohant dédicace à tours de bras. La jeunessse et la bande dessinée étaient aussi à l'honneur durant la manifestation avec, notamment, des ventes notables pour les albums du couple Béka (Bamboo) et la série Trotro de Bénédicte Guettier (Gallimard jeunesse).
Davos de l’édition
En parallèle des manifestations littéraires, la foire de Brive proposait pour la troisième année consécutive une demi-journée de rencontre professionnelle animée par Jean Brousse, le samedi 11 novembre au matin. Pour cette nouvelle édition, l’initiative avait pris de l’ampleur et se tenait à la Chambre de commerce et d’industrie de la ville. « On tente de faire de cette rencontre une sorte de Davos de l’édition mais je crois qu’il va nous falloir encore quelques années », s’est amusé Frédéric Soulier en ouverture de la rencontre. Le maire, qui avait inauguré la veille la nouvelle médiathèque Michel Dumas, a ensuite passé la parole aux professionnels qui assistaient à la rencontre. Vincent Monadé, Vincent Montagne président du SNE, Marie Sellier, présidente de la SGDL, Jean-Noêl Tronc, directeur général de la SACEM , Antoine Lefébure, historien des médias ou encore Alexis Botoya, fondateur de la start-up Chai, ont ainsi dressé un tableau du marché du livre français et soulevé différents enjeux ; juste rémunération des auteurs, cohabitation numérique papier, sensibilisation des plus jeunes à la lecture, fragilité et utilité du tissu des libraires français ou encore impact économique des manifestations littéraires. A cette occasion, Vincent Monadé a annoncé la publication prochaine d’une étude menée par le CNL sur ce sujet.
Alors que la Halle Brassens vient juste de fermer ses portes, les organisateurs de la foire annoncent déjà les prochaines dates de la manifestation qui se tiendra du 9 au 11 novembre 2018.