Toujours plus dense, toujours plus créative et toujours plus sensible à la dépense. Voilà comment on peut décrire l’atmosphère qui se dégage de ce 61ᵉ rendez-vous bolognais, grand-messe de la littérature jeunesse qui ferme ses portes ce jeudi 11 avril.
Démographie en baisse, prix en hausse
Cette année, 1 524 exposants ont rejoint l’Émilie-Romagne, soit 5 % de plus que l’an dernier et 82 entreprises supplémentaires par rapport à 2019. Du côté du centre de droits, les 200 tables allouées ont toutes été occupées. Jusqu’à la pandémie, la Foire n’en proposait que 120 à 130. Pour autant, si les carnets de rendez-vous sont bien remplis, les affaires sont plus difficiles à concrétiser. « Les coûts des livres ont beaucoup augmenté, ce qui freine les décisions d’acquisition », remarque Mauro Spagnol, représentant de plusieurs éditeurs anglais, espagnols et italiens.
« J’ai réalisé un deal avec des Japonais et c’est une bonne surprise », fait part de son côté Nadia Bettini, dont l’agence Book149 représente plusieurs éditeurs à la foire, parmi lesquels les éditions italiennes Kite. Ajoutant que les différences culturelles sont toujours un sujet d’étonnement, « un livre qui parle d’accueillir un nouvel enfant dans la famille ne suscitant par exemple pas l’intérêt des pays où la démographie est en berne ».
Sciences et conscience
Côté français, le stand du Bief ne désemplit pas non plus, entouré par les poids lourds du secteur : Hachette, L’École des loisirs, Gallimard jeunesse, Fleurus, Auzou ou encore Bayard jeunesse. Qu’y recherche-t-on ? « De la science et de la philosophie, notamment chez nos partenaires asiatiques », déclare Marie Dessaix, directrice des droits chez Nathan.
La collection « Mon imager à promener », livres à poignée à paraître en juin prochain en France, a déjà séduit des éditeurs italiens, israéliens et coréens. « C’est aussi sympa de voir que des éditeurs ukrainiens sont de retour et achètent », note avec un certain enthousiasme sa collègue Joëlle Liabaud.
Des indépendants sur le pont
Non loin de là, c’est une première pour Stéphanie de Bussierre, directrice de la maison d’édition Akinomé qui souhaite « rencontrer les Japonais ». Pour favoriser les cessions de titres des petites maisons d’Île-de-France, la Fontaine O Livres organise un Tour d'Europe de l'édition indépendante en 2024. Accompagnant Akinomé, La Tête ailleurs et Borealia font leurs premiers pas à la Foire de Bologne. Elles poursuivront avec trois autres maisons généralistes au Paris Book Market et à la Foire de Francfort.
Ce « mentoring » se double d’une formation aux droits, licences et acquisitions et aux contrats de cession en anglais pour ces jeunes maisons nées il y a environ cinq ans. « Une foire, c’est assez impressionnant quand on n’a pas l’habitude, on ne comprend pas forcément qui fait quoi. On leur donne des outils pour qu’elle puisse ensuite voler de leurs propres ailes », explique Gaëlle Bohé, directrice de la Fontaine O Livres, qui se présente comme « un trait d’union pour les professionnels du livre » et se réjouit que ces petits éditeurs puissent profiter de services déployés par le Bief (qui les accueille sur son stand à Bologne).
L’environnement, un thème en vogue
Malgré cet enthousiasme affiché aux quatre coins du salon, on ressent néanmoins une certaine anxiété dissimulée. Dans les allées, Thierry Magnier jette son œil expérimenté sur les panneaux d’exposition des illustrateurs. « Je suis peut-être un peu trop blasé », sourit celui qui, « pour la première fois depuis 25 ans, n’a pas eu de prix ni de mention » aux Ragazzi awards.
« Je m’y préparais cette année, mais l’an prochain, j'aurai des choses intéressantes à présenter », se rassure-t-il en filant à une table ronde pour présenter Stardust. Poussière d’étoiles d'Hannah Arnesen, une coédition d’un livre illustré par cette dessinatrice suédoise de 260 pages sur l’environnement, à paraître en octobre.
Surfant également sur cette tendance, Marion Glénat, la directrice des éditions Glénat, se réjouit de l’intérêt des éditeurs étrangers, notamment asiatiques, pour l’album de vulgarisation en bande dessinée Horizons climatiques. Rencontre avec 9 scientifiques du GIEC. d'Iris-Amata Dion et Xavier Henrion. Un engouement pour cette thématique qui a convaincu les organisateurs de créer un prix spécifique l’an prochain pour les livres jeunesse traitant de l’environnement.