Les bibliothèques universitaires ont depuis longtemps recours aux enquêtes d'usagers, à la collecte de données statistiques, aux évaluations qualitatives de type Libqual. Ces méthodes présentent un intérêt certains mais leur efficacité reste limitée.
"Les étudiants répondent aux questionnaires pour être gentils mais en réalité la bibliothèque n'occupe pas souvent leurs pensées, a résumé avec humour Andy Priestner, coordinateur du projet Future Lib de la bibliothèque de Cambridge au Royaume Uni. Ils ont autre chose à faire que de nous aider à améliorer nos services".
"Sortir de la bibliothèque"
A Cambridge, l'observation du comportement des étudiants dans quatre lieux différents, deux à l'intérieur de la bibliothèque et deux à l'extérieur, a conduit à une réorganisation complète des espaces de travail.
"99% de notre budget d'acquisition va désormais aux ressources électroniques, consultées majoritairement à distance par nos usagers. Si on veut comprendre ces derniers, il faut sortir de la bibliothèque", a confirmé Daniel Forsman, directeur de la bibliothèque de l'université de Chalmers à Göteborg, en Suède.
Pour Amanda Etches, responsable du département Discovery & Access de l'université de Guelph, au Canada, et auteure de l'ouvrage Utile, utilisable, désirable. Méthode de design UX en bibliothèque, traduit en français à l'occasion du congrès par les Presses de l'Enssib (Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques), "l'expérience usager nécessite de l'empathie. Il ne s'agit pas seulement de connaître les pratiques des utilisateurs mais de les éprouver. Le mieux est de se mettre à leur place pendant une journée".
Personnages fictifs
Pour élaborer son projet de service, le Grand équipement documentaire (GED) du futur campus Condorcet, qui ouvrira en 2019 dans le nord de Paris, a eu recours à une technique originale: les Personas. Utilisée à l'origine par les concepteurs de logiciels, notamment Microsoft, cette méthode consiste à créer des personnages fictifs, auxquels les bibliothécaires vont attribuer un nom, une biographie, une histoire, des besoins en matière de documentation. "Cette technique permet d'élaborer des services en se projetant concrètement dans les besoins des lecteurs, et non de manière globale", a souligné Marc Scherer, chargé de la mission Services au public du GED.
La bibliothèque universitaire d'Angers a mis en pratique, quant à elle, les tests d'usabilité pour évaluer les contenus de son site Internet et leur organisation, et améliorer la fonction de réservation de documents. "Nous nous sommes aperçus que nous avions tendance à mettre trop de contenus alors que les étudiants veulent un accès simple et facile à l'information", a expliqué Frédéric Desgranges, coordinateur de plusieurs missions transversales à la BU d'Angers.
Travail collectif et collaboratif
L'équipe de la bibliothèque de l'Ecole nationale des ponts et chaussées a découvert la démarche collaborative lors d'un séminaire avec la D.School, école de design thinking inspirée de celle de Stanford. Elle a ensuite mis en œuvre des ateliers animés par des architectes-designers de la société Steelcase, rassemblant des utilisateurs autour de la redéfinition des espaces de la bibliothèque. "C'est un travail collectif très stimulant pour l'équipe, a constaté Isabelle Gautheron, directrice de la bibliothèque de l'Ecole nationale des ponts et chaussées. Cela a également amélioré les relations entre la bibliothèque et le reste de l'école. Désormais, les enseignants viennent travailler avec leurs élèves dans nos locaux".