De roman en roman, Kendokei étant son troisième, Julien Péluchon affirme sa singularité dans notre paysage littéraire. Avec, côté loufoque, une belle montée en puissance.
C’est l’histoire de Donald Leblond, originaire de Béthune, où il a été initié petit au kendokei, art martial japonais, pour lequel tout repose sur "l’attaque mentale", par un certain M. Cardoso, son gaido, son maître, postier dans le civil. Le kendokei aurait été créé au XVIIe siècle par Fukuda, un Japonais chrétien qui a fui son pays pour l’Espagne, puis le nord de la France. Dans sa jeunesse, Donald, fumeur de crack, a abandonné Isabel, sa femme, et leur fils, José. Après quoi, il a migré vers Madrid, où il mène une double vie : camé, dealer, amant de Milagros, une fille ermite dans un parc où, devenu gaido à son tour avec Toni pour deshi (disciple), il se métamorphose, grâce à son art, en El Escarabajo, un super-héros en costume de scarabée, blatte ou cancrelat, Beetleman luttant contre son ennemi mortel, le lion de Némée, au nom du Bien contre le Mal. On ne sait trop pourquoi, Donald et Toni vont faire un aller et retour Madrid-Béthune, avant de se réinstaller dans la capitale espagnole, où les événements se précipitent : apparaissent Patrick, le frère de Donald, et ses deux sbires, qui lui veulent du mal. Patrick serait-il le lion de Némée ? Et pour qui roule Milagros ? Mais on n’est pas sûr, tant Donald débloque, que Patrick ait jamais existé, et, tout comme Pies Descalzos, qui tente de mener une enquête sur tout ça, on s’y perd totalement, jusqu’à un final en apothéose tragico-délirante…
Il suffit au lecteur de se laisser porter par l’imagination fertile de Péluchon, servie par un style limpide, pour voyager en sa compagnie dans un labyrinthe romanesque plein de culs-de-sac, chausse-trapes et coquecigrues, et y prendre un plaisir certain. Vous qui entrez ici, abandonnez toute rationalité. J.-C. P.