Longtemps, la maison du riche chinois du roman de Marguerite Duras L'Amant (Minuit) est restée inaccessible au public. Aujourd'hui, Sadec, petite ville vietnamienne du delta du Mékong, la brandit en site "national".
"Marguerite Duras ne venait jamais" dans la maison, raconte la guide Le Thi Thanh Tuyen.
Aux Vietnamiens qui la visitent, elle dit que "M. L'Amant a rencontré Marguerite Duras par hasard, sur le bac". "Que l'histoire d'amour a commencé à Saïgon, pas à Sadec", car le "père de l'Amant", riche homme d'affaires chinois, "avait choisi une autre femme, aussi riche que lui, asiatique" pour son fils.
L'Amant, prix Gongourt 1984, a été traduit en une vingtaine de langues, dont le vietnamien. Mais dans le pays communiste, l'adaptation qu'en a faite au cinéma Jean-Jacques Annaud, même censurée des scènes les plus érotiques, est sans doute plus populaire.
"Le public vietnamien est habitué au soit-disant réalisme socialisme et l'écriture de Duras est inhabituelle pour lui", explique Duong Tuong, traducteur de Camus, Queneau et récemment Céline. Le film, dont Duras "n'était pourtant pas très contente", "est plus proche du grand public", dit-il.
A Sadec, les murs de la maison portent fièrement des photos du film, tourné sans Duras. L'écrivain, dont la mère dirigeait l'école de fille de la petite ville de Cochinchine sous la colonisation, n'y est jamais revenue après son départ du pays en 1932.
Interdit pendant longtemps aux touristes d'en prendre des photos, le Vietnam, qui lui-même s'ouvrait de plus en plus à l'extérieur, a décidé en 2006 de transformer le lieu en "vestige culturel".
Cette année, la maison a gagné ses galons officiels, classée "site historique national". Les touristes peuvent maintenant même y dormir, souligne la guide.