Le tombeau de Jules. C'est un des textes les plus déroutants, inclassables (roman, histoire, autofiction ?), séduisants, quasiment addictifs et impossibles à résumer que l'on ait lu depuis longtemps. Antonin Crenn, dans un dispositif proche de l'Oulipo (Pérec est cité en frontispice), a construit un véritable OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), un puzzle en quatre-vingts pièces (ou chapitres), auquel il en manque une, tout au centre. Voir le schéma de la page 393, guère éclairant il faut l'avouer, et qui ressemble à une grille de sudoku.
Le chaînon manquant, le vide, c'est un certain Jules Napoléon Prosper Forthomme, que le narrateur présente comme l'un de ses ancêtres. Celui-ci, marié avec Elmina en 1862, père d'un petit Maurice, avait assisté à la noyade de Léopoldine Hugo, à Villequier, le 4 septembre 1843. Sans lien de cause à effet, il a disparu mystérieusement en octobre ou novembre 1869, son absence ayant été reconnue par le Tribunal de la Seine en 1886 seulement. La particularité de ce « jeune aïeul », comme de bien d'autres des protagonistes de cette histoire, est d'avoir habité un temps rue des Batailles, sur la colline de Chaillot, une rue qui a disparu sous le Second Empire pour laisser place à l'avenue d'Iéna.
Les quatre-vingts épisodes du livre d'Antonin Crenn se succèdent dans un désordre apparent, certains traitent même de la vie sentimentale du narrateur avec Jean-Eudes, son « amoureux ». D'autres sont moins gais. On meurt beaucoup dans ce livre aux centaines de personnages : voir l'index, pages 355-362. Une belle réussite littéraire, totalement hors des modes.
Rue des Batailles
Actes Sud
Tirage: 3 200 ex.
Prix: 23 € ; 368 p.
ISBN: 9782330216603
